posté le 27-05-2021 à 08:52:28

Marina (31).

 

 

Dans la salle de bains, je repérai bien vite la tablette en verre suspendue à un mur. Elle supportait un rasoir électrique, d’une apparence neuve et de marque Philips. Je redoutais que Marina ne l’eût nettoyé de fond en comble. A droite du lavabo se trouvait une boîte de mouchoirs en papier, côtoyant, dans un désordre minutieux, des tubes de crème hydratante, un shampooing antipelliculaire et un petit flacon de parfum Shalimar de Guerlain. Je fus plongé un instant dans un bain de nostalgie et j’en vins à oublier ma « mission ». Shalimar, c’était le parfum de Christiane, une femme que j’avais connue et aimée, il y a bien des années. Elle représentait l’époque des « amours parfumées ». Elle était veuve, brune, piquante et son tour de poitrine, 95B, me faisait rêver. Pour me faire souffrir, je dévissais le bouchon du flacon arrondi et alors, jaillirent vers mon nez, des milliards de molécules odorantes, qui, un instant, me firent voyager dans le passé. Notre « histoire » finit mal…

Je secouais ma tête, comme un chien qui s’ébroue, pour revenir à mon présent. Minutieusement, je démontais le haut du rasoir électrique et sur un mouchoir en papier, je secouais l’appareil pour en faire tomber les poils de la barbe de Roger. « Bingo ! », il y en avait beaucoup. Je pliais en quatre le mouchoir et je le glissais dans la poche de mon pantalon. Après avoir tout rangé, je regagnais le salon où m’attendait Marina.

« Tu en as mis du temps ! » me reprocha-t-elle.

Et en même temps, sa main caressa ma joue.

« Oh, mais tu ne t’es pas rasé ! » cria-t-elle.

Presque craintif, je balbutiais une excuse :

« Tu sais, les rasoirs électriques me donnent des boutons. »

Elle devint comme folle. Elle eut une réaction disproportionnée :

« Mais tu te fous de moi ! Dégage, dégage ! » hurla-t-elle.

Apparemment, elle avait un problème grave avec les poils masculins. Cela me rappela une élève que j’avais eue il y a bien longtemps et qui avait un orgasme chaque fois que je parlais de poils (heureusement pas très souvent).

J’avais l’impression d’avoir devant moi, une furie (1) échappée d’un asile d’aliénés et je pensais à ce que devait subir le pauvre Roger, feu son mari… Elle me désigna la porte avec son index droit, qui se transforma, dans mon imagination, en une épée acérée. Je sortis bien vite, comme rassuré d’avoir échappé à un danger mortel. Chez moi, je téléphonais à mon ami de la fac des sciences de Marseille pour l’informer que j’avais récupéré deux échantillons pour l’analyse ADN : la poussière d’os du squelette et les poils de barbe de Roger. Il me demanda de tout lui envoyer en recommandé. Puis j’entrais en contact avec Serena (celle qui avait incendié l’entreprise des portemanteaux Solido) pour tout lui raconter. Elle me parut inquiète et angoissée. Je lui proposais de venir chez moi le lendemain et je mis une bouteille de champagne « Veuve Clicquot » dans le réfrigérateur…


A suivre



Notes :


1 :Antiquité : chez les Romains chacune des trois divinités vengeresses de la mythologie latine.

• les furies rendaient fou celui qu'elles poursuivaient. 

• les furies avaient des serpents en guise de cheveux.


 


 


 
 
posté le 27-05-2021 à 08:55:23

Marina (32).

 

 

 

Avec Marina, j'aurais aimé être un eunuque,

de temps en temps...

 

Le lendemain matin, je filai à la poste pour envoyer à mon ami de Marseille, les prélèvements d’os et de poils appartenant apparemment à Roger, feu le mari de Marina. Les résultats seraient longs à obtenir car la filière utilisée pour l’analyse ADN n’était pas tout à fait officielle.

J’eus toute la journée pour préparer ma rencontre avec Serena. Comme un parfait homme de ménage, j’astiquais de fond en comble mon appartement et je changeai les draps de mon lit, au cas où elle succomberait à mon charme fou…Le jour tant attendu était enfin arrivé. J’avais maintenant une vision assez claire de la situation et je comprenais enfin les liens qui existaient entre les différents protagonistes de cette pénible affaire.

La réaction brutale de Marina concernant son aversion pour les visages légèrement barbus, m’arrangeait finalement et je décidai de ne plus aller la voir. A 10h30, la sonnerie du téléphone me tira d’une léthargie bienfaitrice qui m’aidait à compenser mes insomnies nocturnes. Le nom de Marina apparut sur l’écran de mon combiné. Je ne décrochai pas. L’appel fut répété une dizaine de fois jusqu’à onze heures. Finalement, excédé, je me décidai à répondre pour lui signifier une rupture définitive. A l’autre bout du fil, Marina pleurait. Je ne savais plus quoi faire ; j’avais le cœur sensible et les neurones généreux. Elle voulait absolument que j’allasse la rejoindre dans son labo pour tout m’expliquer, disait-elle. Que faire ? J’acceptais finalement de la rencontrer pour percer cet abcès qui grossissait et qui devenait douloureux pour nous tous. Elle me remercia mille fois ; ce n’était plus la Marina, forte et hautaine que je connaissais, mais je me méfiais quand même, connaissant la perfidie de certaines femmes. Pour lui montrer que tout était fini entre nous, je ne rasais pas mon visage pour qu’elle n’eût pas de tentation sexuelle envers mon corps d’apollon (1).

A treize heures, j’étais dans son labo. Elle était gênée et malgré ma petite barbe, elle colla sa bouche sur la mienne. Je voulus, immédiatement, la repousser, mais j’attendis deux secondes de trop. Deux secondes, c’était le temps nécessaire pour que se mît en marche tout un processus hormonal qui aboutit à une raideur que je ne parvenais plus à contrôler. C’est qu’en même temps, je sentais sur ma poitrine, les seins de Marina, que j’avais déjà entrevus en arrivant, grâce au décolleté généreux de sa blouse blanche, qu’elle avait diaboliquement entrouverte. J’eus une pensée émue pour Adam, le pauvre, incapable de résister à Eve. C’est que, pour m’achever complètement, elle glissa sa main entre nos deux ventres collés, pour tâter, en experte, ce qui n’était plus une molle quenelle. J’étais perdu, avant que de combattre (2).

Je ne sais pas pourquoi, les femmes aiment tant s’accroupir devant un homme. C’est ce que fit Marina. Moi, j’étais déjà dans un autre monde, noyé dans de la barbe à papa parfumée au sirop d’érable. Je sentis mes jambes se ramollir et une vibration naquit dans mes talons, pour se propager vers mes cuisses et aboutir violemment dans ce magnifique organe que n’ont pas les eunuques (3). La lance d’incendie projeta par saccades, dans sa bouche, un élixir gluant précurseur de la vie…

Roger, le squelette, nous regardait. Je l’avais oublié celui-là !...



A suivre


Notes :


1 : Apollon: très beau jeune homme.

2 : « Avant que de combattre ils s'estiment perdus. »

Le Cid (Acte 4, Scène 3)  de Pierre Corneille.

3 : Eunuque : Homme qui a été castré. Autrefois, gardien du sérail, d'un harem.


 


 
 
posté le 27-05-2021 à 08:58:29

Marina (33).

 

 

 

Imaginez:

Marina et moi... 

 

Marina dégusta avec une évidente satisfaction, mon débordement d’amour.

Elle était de plus en plus excitée ; cela se voyait au niveau de ses tétons qui avaient presque troué son chemisier. Ils me semblaient énormes et déformaient le tissu qui souffrait en silence. Moi, j’avais hâte de partir, hâte de quitter le labo pour préparer ma soirée avec Serena. Mais ma jolie collègue me fit comprendre que je n’en avais pas encore fini avec elle. Je voulais garder quelques munitions pour l’éventuelle périlleuse nuit que je pourrais passer avec Serena.

Elle s’assit sur la paillasse et releva sa jupe, dans une position qui aurait enroué un ténor de la Scala. L’angle de ses cuisses frôlait les 160 degrés, un écart considérable qui aurait pu provoquer une luxation (1) au niveau du col du fémur. Marina me faisait peur avec ses yeux de succube (2). Sa voix un peu gutturale (3) me lança un ordre qui ne souffrait aucune discussion :

« Minou, viens laper ta maîtresse ! »

A vrai dire je n’aimais pas trop explorer, avec ma langue, ces grottes biologiques, mais je lui devais bien ça. Je me retrouvais accroupi entre ses jambes regardant presque avec dégoût quelques stalactites (4) roses qui semblaient fondre et laisser couler, au goutte à goutte, un liquide opalescent qui n’avait pas le goût du sirop d’érable. Mais deux minutes plus tard, je crus qu’elle voulait m’assassiner, car ses jambes, étau de chair, se refermèrent violemment sur ma tête, comme pour m’étouffer ou me décapiter. En même temps, elle poussa un cri qui dut être entendu dans la salle des professeurs et aussi dans le bureau du principal. J’étais gêné, car son orgasme arrosa mon visage d’une buée gluante : j’ignorais que Marina fût une femme-fontaine !

Et Roger, le squelette, qui nous regardait, ne broncha pas.

Elle en voulut encore, mais moi je dis « STOP  » ! Je voulais réserver le reste de mon capital séminal à Serena, en supposant qu’elle fût d’accord. Pendant que j’essuyais mon visage avec du papier filtre douteux, trouvé sur la paillasse près d’un bac en plastique contenant huit cuisses de grenouille baignant dans du sérum physiologique, Marina se colla à moi dans un moment de tendresse, étonnant chez elle. Parfois, certainement à cause de ses hormones capricieuses, elle retrouvait la douceur et la faiblesse des femmes comme je les aimais. Je me penchais au-dessus de l’évier en faïence blanche qui contenait huit béchers avec un agitateur et une micropipette, pour me rincer le visage. Une forte odeur de formol s’insinua dans mes narines et vint taquiner mes amygdales ; une odeur caractéristique des endroits où l’on conserve des cadavres, ici de grenouilles.

Il était 13h50 et les cours allaient commencer. Je profitais d’un moment de faiblesse de Marina pour lui reposer toujours la même question :

« Mais pourquoi ce squelette s’appelle Roger ? »

Je ne m’attendais à aucune réponse et pourtant elle me dit :

« Ce squelette m’a été offert par Roger, mon regretté mari ! Les crédits que l’on nous attribue en SVT ne sont pas suffisants pour en acheter un ».

C’était une justification bancale, mais cela pouvait expliquer pourquoi, au moment de l’orgasme, elle criait toujours:

« Roger, oh, Roger !»  …


A suivre


Notes :


1- Luxation : déplacement des os d'une articulation

2- Succube : démon qui, selon des croyances populaires, prend la

forme d'une femme pour séduire les hommes durant leur sommeil.

3- gutturale : rauque, qui  a rapport au gosier.

4- stalactite : concrétion calcaire en forme de colonne qui descend de la voûte des cavités souterraines.



 


 
 
posté le 27-05-2021 à 09:01:42

marina (34).

 

 

                                                       Serena et moi... 

 

Décidément, je n’arrivais pas à résister aux charmes de Marina, femme-vampire, bien inspirée avec ses lèvres, femme-pompier ou femme-pompiste qui allumait des feux, femme-pyromane capable de vider des citernes entières de liquide un tant soit peu poisseux.

J’espérais que Serena, plus jeune, elle avait vingt-cinq ans, et donc moins expérimentée, fût un peu plus fragile, une fleur-bleue romantique à la larme facile…

Serena sonna à ma porte vers 19h30.

En entrant, elle me tendit une boîte de gâteaux qui fit grimper sa note de deux ou trois points. C’était une première visite chez moi, assez compliquée à gérer, vu que jamais, je n’avais exprimé ce que je ressentais pour elle, je l’avais seulement aidée avec des conseils qui me faisaient jouer plus un rôle de psychiatre que de séducteur. Finalement, assez timide, je voulais qu’elle comprît, avec mes regards-scanners-baladeurs, sur son corps, que je n’étais qu’un être-mâle sans mal-être et que je mettais à sa disposition ma libido florissante contenue finalement dans un endroit bicéphale qui n’avait rien à voir avec mon cerveau.

Elle était assise en face de moi et donc j’étais privé du rayonnement thermique de sa peau, mais pas de la vision de ses belles cuisses qui révélaient un galbe freudien, sous une jupette à proscrire dans les couvents espagnols.

Je lui fis un récit des derniers événements concernant les soupçons que je portais sur Marina, en ayant soin de bien gommer toutes nos "dérives"  dans son labo du collège. 

En gros, je pensais que ma collègue de SVT avait assassiné son mari, qu’elle avait laissé croire qu’il avait péri dans l’incendie de son usine de portemanteaux, pour qu’on ne cherchât pas son cadavre et qu’elle avait récupéré son squelette qu’elle avait transporté dans son labo, en pièces détachées certainement. Ce squelette s’appelait Roger (comme feu son époux) et je ne révélais pas qu’il assistait « religieusement » à nos séances de « jambes en l’air » sur la paillasse carrelée du labo, parmi les flacons de produits chimiques et les cadavres de grenouilles, de souris, de serpents conservés dans des flacons remplis de formol.

J’expliquais aussi comment j’avais pensé à des analyses ADN pour prouver que le squelette du labo n’était autre que celui de Roger, feu le mari de Marina.

Pendant mon petit discours, que j’abrégeais sur la fin, j’observais Serena et je remarquais qu’elle ne réagissait pas du tout, certainement tétanisée par mon exposé magistral. Il était évident que la victoire ne serait pas facile et que l’ascension du mont-volupté serait longue et périlleuse. Je lui offris une coupe de champagne et je lui tendis le plat sur lequel j’avais disposé ses petits gâteaux. Elle choisit une tartelette à la rhubarbe qui me fit comprendre que ce n’était pas gagné. Moi, j’hésitais entre un mille-feuilles ventripotent et un éclair au chocolat plutôt maigrichon. Serena eut un petit sourire et me dit :

« Tu n’aimes pas les tartelettes à la rhubarbe ? »

Un peu gêné, je lui répondis :

« Non, je n’aime pas ça, mais j’avoue que je n’y ai jamais goûté ! »

Son regard devenait un peu plus pétillant ; un effet du champagne peut-être ? Elle essaya de me convaincre :

« Tu devrais essayer ! »

Mais comment ? Il ne restait plus, heureusement pour moi, de tartelette à la rhubarbe. Alors elle me dit :

« Viens près de moi, je vais t’en faire goûter ! »

Un peu perplexe, mais ravi, je m’asseyais à côté d’elle. Elle se pencha vers moi et m’embrassa sur la bouche en y poussant avec sa langue un morceau de tartelette enduit de sa salive. C’était vraiment dégoûtant, mais cela provoqua en moi un réveil de ma testostérone qui fit pousser un menhir entre mes jambes.

Alors, je me permis de mettre ma main entre ses cuisses…

 

A suivre

 

 


 
 
posté le 27-05-2021 à 09:04:43

Marina (35).

 

 

 

En me faisant goûter un morceau de tarte à la rhubarbe enduit de sa salive, Serena me donnait la clé qui ouvrait le portail en fer forgé du jardin des voluptés. Son jardin, que j’avais survolé, mais que je n’avais pas encore exploré, offrait-il des allées pleines de ronces ou des haies parfaitement taillées, des fleurs sauvages ou bien des roses parfumées, des fontaines muettes ou des boutons chargés de buée ? En bon jardinier, je me devais de vérifier que toute cette végétation ne souffrait pas de sècheresse. Et quoi de plus pratique que la main pour m’assurer que les perles de rosée étaient bien présentes dans les broussailles, même les plus cachées.

En aveugle, ma main droite remonta l’allée aux contours charnus, les cuisses à la peau douce, satin vivant et chaud et aboutit à une sorte de grotte dont l’entrée était masquée par un rideau de hautes herbes, drues et humides. Mes doigts prirent alors un bain d’essences gluantes et parfumées et leurs mouvements dans la conque fendue firent naître chez elle, une douce mélodie de clapotis languissants. C’est alors que commencèrent les murmures assoiffés des sirènes. Serena soupirait et émettait des sons qui ressemblaient à des prières, à des plaintes, à des psalmodies (1) qu’on n’entendait plus que dans les cathédrales gothiques. Ma main s’enhardissait sur ses muqueuses humides comme celle d’un vieux violoniste sur les cordes fatiguées d’un Stradivarius (2) d’un autre temps. Mes doigts se firent fureteurs, explorateurs de la caverne humide des femmes écartelés pour le plaisir du mâle. A présent, Serena se contorsionnait, à la recherche d’un point d’appui, d’un support dur et stable. Elle trouva en moi, une colonne de chair, un pic coriace et doux comme du silex qui ne demandait qu’à faire des étincelles…

Etait-il encore question d’amour ? N’était-ce pas plutôt cet appel qui venait du fond des âges, cet instinct qui réunissait, pour la pérennité(3) de l’humanité, deux sexes différents créés pour s’emboîter l’un dans l’autre, avec accessoirement, du plaisir ?

Nous quittâmes le canapé pour aller voguer sur les flots, allongés sur le radeau des temps modernes : le lit. Sa bouche remplaça sa main pour tailler le silex qui gardait sa dureté et acquérait une ductilité(4) variable. Il y avait dans cet acte si intime de la femme, toute son envie de dévorer l’organe mâle pour s’approprier sa fougueuse puissance.

On en était arrivés à un stade où le danger n’était plus qu’une conception virtuelle et on avait décidé de ne pas revêtir d’armure pour se protéger contre des envahisseurs invisibles et tueurs.  

Serena m’offrit son autre caverne, celle des mystères de la vie et de la descendance. Mon silex allait à jamais, graver sur ses parois de chair une partie de mon génome (5). L’élasticité du temps rendait sa mesure imprécise. Il arriva qu’à un certain moment, mon cerveau donnât l’ordre au silex, de faire jaillir de la fissure située à son extrémité, une source chaude et vivante, dont les saccades inondèrent la caverne. Les dés étaient jetés et le hasard entamait sa mélodie…

Qu’allait-il advenir de notre combat ?

Serena redevint ELLE en me disant :

« Excuse-moi, mais je dois aller dans la salle de bains ! »…

 

A suivre

 

Notes :

 

 1-Psalmodie : manière particulière de chanter et de réciter les psaumes sur une seule note et sans inflexion de voix, dans les religions juive et chrétienne.

2-Stradivarius : violon, alto ou violoncelle d'une qualité exceptionnelle, fabriqués par le luthier italien Stradivarius.

3-Pérrenité : caractère durable ou continuel (de quelque chose).

4-Ductilité : propriété de pouvoir être étiré sans se rompre.

5-Génome : ensemble des gènes d'une cellule ou d'un organite cellulaire.

 


 
 
posté le 27-05-2021 à 09:08:34

Marina (36).

 

 

Serena sous la douche.

  

 Je me levais à mon tour et je passais devant la porte de la salle de bains. On entendait couler l’eau de la douche, mais aussi la voix de Serena qui semblait parler dans son portable. A qui s’adressait-elle de si bon matin et pourquoi ? Par pure curiosité, je collai mon oreille sur la paroi en bois peinte en blanc. J’avoue que je n’entendais pas grand-chose, mais je crus discerner quelques mots noyés par l’eau qui coulait dans la cabine de douche et qui allait se perdre dieu sait où. Seuls deux prénoms parvinrent à mes oreilles, deux prénoms comme sauvés d’un naufrage : Virgile (le mien) et Marina. Pourquoi diable évoquait-elle le prénom de la prof de SVT, femme de feu-Roger ? Lorsque l’eau cessa de couler, je m’éloignai de la porte et j’allai dans la cuisine pour préparer du café. Serena m’y rejoignit quelques minutes plus tard et refusa la tasse de boisson chaude que je lui offrais.

« Je suis pressée, j’ai beaucoup de boulot aujourd’hui » me dit-elle en gardant ses distances, comme pour éviter de m’embrasser en partant. Je captais son signal muet et je restais assis quand elle ajouta :

« Je file, ne te dérange pas, je connais le chemin ! »

Tout cela me mit mal à l’aise et je me  mis à réfléchir sur ce qui avait pu lui déplaire en moi. N’avais-je pas été à la hauteur sexuellement ? C’est la première pensée qui vint tarauder (1) mes neurones. De plus elle ne promit pas de me téléphoner pour garder le contact. J’avais l’impression que pour elle, cette nuit passée avec moi, n’était qu’un remerciement pour un service que je lui avais rendu.

En tout cas je décidais que je ne serai pas le premier à appeler.

Je traînais chez moi jusqu’à dix heures, c’est à ce moment-là que mon téléphone se manifesta. C’était Marina qui voulait absolument me voir. Que faire ? J’imaginais ce qu’elle attendait de moi dans son labo, mais me restait-il assez d’énergie pour la satisfaire ? J’imaginais la greffe d’une deuxième paire de testicules pour répondre à la demande… Ah ces femmes, toutes des goules (2) pour nous les hommes, pauvres reproducteurs aux engrais limités…

 13h30 : c’était l’heure du rendez-vous de la débauche dans le labo de Marina qui me reçut en se collant à moi et en plaquant sa bouche, véritable aspirateur « Tornado », sur la mienne. Mais il fallait beaucoup plus que ça pour ranimer une braise qui ne brillait que par son absence, un soleil en fin de vie ayant épuisé ses réserves d’hydrogène pour se transformer en « géante rouge » (3), une grosse étoile prétentieuse qui ne pouvait pas grand-chose.

Je lui dis, pour plaisanter un peu :

« Tu as envie de ma géante rouge, ma chérie ? »

Elle tâta rapidement ma braguette et répliqua :

« Dis plutôt, une naine blanche (4) ! » Et elle éclata de rire.

Nous divaguions sur des sujets d’astronomie et cela me faisait gagner du temps car les élèves n’allaient pas tarder à arriver.

Elle devint brutalement salace, ce qui me choqua profondément :

« Tu peux me lécher un peu, puisque tu ne veux pas me baiser ! »

Je pouvais faire ça pour elle, ma langue était encore en état de fonctionner, mais je rêvais quand-même à la langue bifide (5) des serpents.

Elle s’installa sur la paillasse en céramique blanche, cuisses écartées et moi j’espérais bien que mon visage ne reçût pas de douche tiède et gluante. Hélas, elle joua bien son rôle de femme-fontaine ! Je fus quitte à aller me laver la face sous le filet d’eau froide du robinet de l’évier à l’odeur forte de formol. Je commençais à m’habituer aux cadavres de grenouilles et de souris qui me narguaient dans leurs bocaux, mais je ne sais pas pourquoi, Roger-le-squelette me faisait froid dans le dos…

 

A suivre…

 

Notes :

 

1-   Tarauder : préoccuper vivement (soutenu).

2-  Goule : femme insatiable de lascivité.

3-  Géante rouge : Étoile en fin de vie, dont le volume s’est énormément dilaté (une centaine de fois le diamètre du Soleil) et dont la surface s’est refroidie (en prenant cette teinte rouge caractéristique des basses températures pour les étoiles).

 

 

  


****

4-  Naine blanche : La naine blanche est l'ultime étape d'un soleil. Après la phase de géante rouge, il ne reste plus rien à brûler, mais son cœur demeure très chaud, d'où sa couleur blanche. La naine blanche est probablement composée d'oxygène et de carbone, sa pression est énorme, plus petite que la terre, mais d'une masse supérieure à celle du soleil.


 

 

 

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5-  Langue bifide : C’est une langue présentant deux extrémités séparées. Encore appelée langue fourchue, elle est le symbole du diable et du mensonge.

  

 

 


 
 
posté le 27-05-2021 à 09:12:10

Marina (37).

 

 

 

Le boulier du libraire.

( calculatrice sans pile )

 

Je sortis du labo, juste avant l’arrivée des élèves. J’espérais ne pas rencontrer une collègue qui aurait été tentée de me faire la bise. Mon visage, avec la douche bio qu’il avait reçu, n’était pas très présentable. Hélas, au bout du couloir, je vis apparaître Evelyne, elle aussi prof de physique, qui me fit un signe de la main en m’apercevant. Que faire pour l’éviter ? Devant moi, un élève de cinquième avançait en sens contraire en se chamaillant avec son camarade. Je m’arrangeai pour qu’il me heurtât et pour me mettre en colère quand il ne s’excusa même pas. Evelyne était presqu’à mon niveau et je la vis qui amorçait un mouvement pour m’embrasser. Je fis semblant de ne pas remarquer sa présence et je demandai à l’élève chahuteur son carnet de correspondance pour lui donner une observation écrite. Ma collègue s’éloigna discrètement, un peu gênée. Ouf, je l’avais échappé belle ! Devant moi, l’élève attendait, en espérant gagner le plus de temps possible pour arriver en retard à son cours avec une bonne excuse. C’était un petit rondouillard espiègle aux cheveux roux qui me regardait avec l’air de penser :

« Mais prenez votre temps, je vais arriver avec au moins quinze minutes de retard au cours de SVT ! »

C’est alors que je lui rendis son carnet en lui disant : 

«  Sauve-toi et surtout ne recommence pas ! »

Il avait échappé à une observation écrite et moi à la bise de ma collègue.

Je sortis du collège à 14h20 et pour ne pas entrer trop tôt chez moi, j’allais faire un tour dans une librairie un peu poussiéreuse, située à dix minutes de l’établissement.

Le libraire me regarda comme si j’étais un voleur. Mais qui irait voler un livre à notre époque ? Je me déplaçais dans les allées étroites qui délimitaient les rayons surchargés de livres probablement illisibles. Le libraire, inquiet, me suivait à distance, il n’avait probablement plus vu un client depuis des lustres (1). Sur une table, aussi ridée qu’une pomme avariée, quelques livres étrangers attendaient la délivrance. Je fus attiré par un roman de MO YAN, un écrivain chinois. Le titre un peu énigmatique, « Les treize pas », éveilla ma curiosité et instinctivement je me mis feuilleter l’ouvrage pour connaître un peu son style. Mais qu’avais-je fait ? Le libraire se précipita sur moi, l’air furieux, comme si je voulais violer sa femme (probablement centenaire). J’eus juste le temps de lire qu’il était question de professeurs de physique dans la Chine des années quatre-vingts. Je jure que je ne me plaindrai plus car être professeur en France est un paradis en comparaison de la vie d’un enseignant chinois au temps de Mao Tsé Toung.  Pour calmer l’angoisse du libraire probablement au bord de l’apoplexie (2) et de la faillite, je lui dis, en lui tendant le livre :

« Je l’achète, je l’achète ! »

Il me regarda comme si je parlais en hindoustani (3) et répliqua :

« Je vous avertis, je n’accepte ni les chèques, ni les cartes bancaires ! »

Pour le provoquer un peu, je lui dis :

« Vous acceptez les ‘yuans’ (4) ? »

Il devint aussi rouge que lors de sa nuit de noce, il y a longtemps, longtemps…

« Suivez-moi ! » me dit-il et il me conduisit vers la caisse où trônait une machine d’un autre temps. Il ouvrit un tiroir et sortit un boulier japonais en ivoire. Sa main parcheminée jongla avec les boules à la vitesse d’un cheval au galop et il m’annonça :

« Ça fait 63 yuans ! »

Devant ma mine effarée, il me dit :

« Vous n’avez pas de chance, jeune homme, car je suis marié avec une chinoise ! »

Il eut alors un soupir nostalgique et le regard languissant d’un français amoureux d’une asiatique. Il me dévisagea avec un sourire moqueur et me confia : 

« Je vous ai fait peur, hein ? Ici le temps ne passe pas très vite et je m’ennuie souvent. Il n’y a pas beaucoup de clients et je suis vieux, très vieux. Je ne vous dirai pas mon âge car vous ne croiriez pas… »

Moi, je lui donnais dans les quatre-vingts ans. Quand je lui fis part de mon estimation, il se mit à rire avec des soubresauts de puce agonisante. Il répliqua :

« Vous êtes loin du compte jeune homme ! Et ça fait huit euros pour le livre ! »

Je n’avais pas la force de quitter cette librairie. J’y étais entré à 14h30 et il était…

« Encore 14h30 ? Zut ma montre s’est arrêtée ! »

Le libraire me poussa vers la sortie en me saluant :

« Au-revoir Monsieur le professeur de physique et inutile d’aller faire réparer votre montre. Elle redémarrera dès que vous serez sorti ! »

Effectivement, ma montre se remit à vivre au contact de l’air de la rue et je constatais avec effroi que le temps s’était arrêté pendant trente minutes dans cette librairie…


A suivre



Notes :


1- Lustre : période de cinq ans.

2-Apoplexie : accident vasculaire cérébral pouvant entraîner une paralysie partielle ou totale. (AVC)

3- Hindoustani : linguistique. Mélange d'ourdou et d'hindi occidental qui se répandit dans toute l'Inde du XVIe au XVIIIe siècle.

4- Le yuan ou renminbi (littéralement : « la monnaie du peuple ») est la devise nationale de la Chine à l'exception de Hong Kong et Macao. Le yuan est l'unité de compte, et le renminbi la monnaie réelle.


 


 


 
 
posté le 27-05-2021 à 09:14:48

Marina (38).

 

 

 

 

Le trompettiste de mes nuits d'insomnie...

 

Serena se faisait oublier : depuis quelques jours, je n’avais plus de nouvelles d’elle. Je m’étais promis de ne pas la rappeler, juste pour lui montrer que je n’étais pas quelqu’un de collant comme cette résine qui s’échappe des conifères. Je pensais qu’elle avait des problèmes et je regrettais presque l’époque des coups de téléphone de la société Solido. Je gardais dans un recoin de ma mémoire, le souvenir de cette première nuit passée avec elle, nuit de volupté intense, la première nuit, celle qui est la plus belle.

Je me rattrapais avec Marina, qui, à l’approche du printemps, avait une formidable éruption d’hormones. Elle me sollicitait tous les jours  pour des bacchanales* plutôt malvenues dans son labo. Elle commençait par me servir, dans un bécher, du Cognac pour me donner des forces, prétendait-elle, un bécher que je soupçonnais avoir contenu au mieux des cœurs de grenouilles et au pire des limaces gluantes. L’alcool est idéal pour supprimer les barrières de la morale, mais absolument catastrophique pour la pratique du sexe. Imaginez un perchiste voulant sauter avec une perche molle…

Je retournai dans la librairie près du collège où il me sembla que le libraire avait rajeuni. Cette fois-ci, il me laissa tranquille et je pus flâner comme un papillon curieux dans les allées poussiéreuses de la librairie. Aucun livre n’attira vraiment mon attention et j’étais un peu gêné de quitter ce lieu sans n’en avoir acheté aucun.

Le vieux libraire me tendit un sac en plastique lorsque je passai devant sa caisse. Il m’apostropha :

« Je vous ai choisi deux livres. Lisez-les et vous viendrez les régler que s’ils vous plaisent. »

Un peu surpris par son attitude assez originale, je quittai la boutique en ayant encore la sensation que le temps s’était arrêté  dans ce lieu si étrange.

Chez moi, après le diner, je m’affalai dans mon divan en espérant écouter un disque de jazz. Surtout, aucune lumière polluante dans mon salon, il me fallait cela pour apprécier la musique. Tous mes sens devaient se concentrer dans mes oreilles en attendant le temps où la musique pourrait se voir…

J’aimais passer la nuit ainsi, naviguer sur un océan de sensations sonores, me laisser bercer par des vagues invisibles aux fréquences si harmonieuses. Le temps semblait alors mener sa propre vie, comme un alcoolique sans logique baignant dans la déraison. C’est dire que le temps devenait schizophrène en malaxant les souvenirs au gré des notes d’une contrebasse ou des cris angoissés d’une trompette, hurlant comme un loup perdu dans la ville…

Fatalement, vers trois heures du matin, il arrivait que je m’endormisse, vaincu par les roulements trop saccadés d’une batterie devenue folle.

Vers six heures, en éclairant mon salon, je vis, sur ma petite table rectangulaire en verre, le sac en plastique que le libraire m’avait donné la veille. Il contenait deux livres intitulés :

- Marina de Carlos Ruiz Zafon,

-  Serena de Ron Rash.

Quelle aurait été la probabilité pour que ces deux titres ne fussent que le fruit du hasard ? Pratiquement nulle !

Alors, qui était donc ce libraire qui ne vieillissait pas et qui connaissait le prénom des deux femmes qui perturbaient ma vie ?

 

A suivre

 

Note :

 

* Bacchanale : sorte de fête tapageuse et débauchée.

 

 


 
 
posté le 27-05-2021 à 09:17:26

Marina (39).

 

  

J'ai rêvé que je me battais contre Victor,

le squelette du labo de SVT, l'ex de Marina, peut-être...

(Vous suivez ?)

 

Le vieux libraire commençait à m’intriguer. Les livres qu’il m’avait donnés comportaient des titres qui cadraient bien avec ma situation actuelle : Marina et Serena. Lisait-il dans mes pensées ? Sa librairie était, en tout cas, un lieu bien étrange où le temps semblait s’arrêter.

Serena ne se manifestait plus depuis plusieurs jours et comme j’en avais assez du Cognac de Marina, j’aurais bien aimé goûter à son nectar  au parfum de verveine…

Je n’aimais pas trop céder à cette tentation qu’une femme fait naître en nous et qu’elle entretient de manière sibylline, par son silence. Je lui téléphonais donc, un soir vers 22h, lorsque je sentais monter en moi cet ennui, vieille chaloupe du futur naufragé qui prenait l’eau. Je tombais sur sa boîte vocale dans laquelle je ne laissais aucun message.  Je renouvelais mon appel vers 22h30 avec toujours le même insuccès.

Peu à peu, Serena se transformait en fantôme aux contours mal définis. Avec le peu d’estime que je m’accordais, je pensais que ma performance sexuelle de l’autre nuit n’avait pas laissé dans son cerveau un souvenir impérissable. Heureusement que la libido de Marina fleurissait, à cette époque de l’année, comme des coquelicots dans un champ de luzerne. Chaque fois que je la voyais dans son labo, elle me vidait la tête et autre chose de 13h à 13h45, juste avant l’arrivée des élèves. Ce qui me gênait le plus, c’était la présence de Victor, le squelette voyeur qui semblait rigoler quand je me pâmais sous les coups de langue de la prof de SVT, la miss qui Soupèse Vos Testicules.

Un jour, ayant presque frôlé la pénurie de ce liquide  RES (riche en spermatozoïdes), je lui demandais, comment, avec les maigres crédits qui nous étaient accordés, elle avait pu obtenir ce magnifique squelette en os réels qui devait valoir presque une petite fortune. Je pense qu’elle me fit un gros mensonge en me disant :

« C’est mon regretté mari qui me l’a offert pour mon anniversaire. »

« Drôle de cadeau », me dis-je en refermant ma braguette.

Et elle ajouta :

« C’est pour cela que je l’ai surnommé Victor en souvenir de mon époux décédé. »

La ficelle était vraiment dure à avaler, car moi je n’étais pas comme ELLE, une bouche qui ingurgitait n’importe quoi…

En sortant du collège, vers 14h30, je vis passer dans la rue, une BMW grise métallisée, dans laquelle se trouvait Serena en compagnie d’un homme pas très jeune, aux cheveux gris, qui conduisait. Etait-ce vraiment elle ou son sosie ? Ce qui était le plus étrange, c’est que je vis cette voiture souvent garée près de la fameuse librairie. Que me restait-il à faire ? Eh bien, je repris mon activité de « détective privé » pour essayer d’apercevoir le conducteur de cette puissante voiture allemande.  Je le vis quelquefois, toujours seul, passer beaucoup de temps dans la librairie, comme pour se ressourcer. De toute évidence, ce monsieur devait aimer les livres...

 

 

A suivre

 

 

 

 

 

 


 
 
posté le 27-05-2021 à 09:19:57

Marina (40).

 

 

Mais oui, je suis un romantique ! 

 

Devais-je complètement cesser de penser à Serena ?

Son attitude, je dois bien l’avouer, me perturbait.

C’était comme du sel appliqué sur une plaie, du sel dont je me complaisais à saupoudrer cette brèche qu’elle avait ouverte dans  ma peau, dans mon cœur. Alors, l’oubli devenait ma préoccupation essentielle, celle qui consommait mon énergie comme un moteur surpuissant glouton de super 98.

Le pire, dans cette affaire, c’est qu’à son abandon, se superposait une jalousie qui avait éclos lorsque j’avais vu Serena en compagnie de cet homme, l’autre jour, dans sa BMW de pacotille… On se dit, qu’avec les jours qui défilent, cette souffrance va s’atténuer. L’oubli cautérise* les blessures de l’âme, il s’allie au temps qui passe et qui se dilate pour éloigner tout ce qui nous fait souffrir.

A ces angoisses épidermiques incontrôlables par la volonté, viennent s’ajouter des raisonnements puérils, du genre : « Et si c’était son père ? » Ce qui revient à dire que ce qui fait souffrir, c’est plus la jalousie que l’abandon.

Comme un idiot, j’étais tombé amoureux d’une fille plus jeune que moi, qui m’avait harcelé au téléphone, pendant des semaines, au nom de la société Solido qui fabriquait des portemanteaux en bois exotiques. C’est que la seule nuit que j’avais passée avec elle, avait été, pendant des heures, un concert de jazz sensuel dans un jardin obscur et parfumé, une brise légère qui agitait quelques feuilles nostalgiques sur les branches des arbres, certainement centenaires. Et puis plus rien, comme si mon cœur devenait sourd, aveugle et muet, autrement dit, un handicapé sentimental.

Ma tendance naturelle, c’était l’inertie qui frôlait l’aboulie** pathologique et cela depuis ma plus tendre enfance. Ne rien faire économise l’énergie vitale et nous plonge dans une léthargie mentale qui agit comme un puissant narcotique.

J’allais faire un tour dans cette librairie mystérieuse, parfois fréquentée par celui que j’avais vu en compagnie de Serena. Le libraire, vieil homme d’un âge improbable, dont la femme, une chinoise, lui avait transmis une philosophie bien orientale, pouvait certainement m’aider dans ma recherche.

Je compris bien vite que cette philosophie-là était bien hermétique pour le cerveau d’un pauvre physicien amoureux d’une ombre. Bien entendu, il refusa de me communiquer le moindre renseignement sur ce monsieur au nom du « secret livresque » encore plus intransigeant, à ses dires, que le secret médical. Il se contenta de me conseiller de consulter « Anatomie du squelette humain », un livre, avec des dessins et des photos (heureusement) très instructif. Se moquait-il de moi ? Ou bien, me donnait-il une piste pour orienter mes recherches ?

En rentrant chez moi, plus déprimé que la bourse de Singapour, je décidais, en espérant ne pas m’endormir, de feuilleter cet ouvrage scientifique et cela me fit penser à Victor, le squelette du labo de SVT…

 

A suivre

  

Notes :

    

*Cautériser : Brûler un tissu vivant avec un cautère afin de détruire les parties malades.

**Aboulie : Absence maladive de volonté, incapacité d'agir.

 
 


 
 
posté le 27-05-2021 à 09:23:03

Marina (41).

 

 

 

Je l'attends...Viendra-t-elle ? 

 

Je décidai de passer quelques jours dans une bulle d’ermite, chez moi, sans téléphone, sans musique et sans télévision. Juste pour reconstituer mon stock d’énergie, largement entamé par les avant-cours de 14h, au collège, dans le labo de SVT en compagnie de Marina, la louve nymphomane et aussi pour essayer de faire évaporer ces nuages de jalousie et d’abandon qui menaçaient de provoquer des orages destructeurs dans ma pauvre tête. Seulement, au bout de trois jours, comme si une pensée venue d’ailleurs me forçait, à le faire, je téléphonais à Serena sans trop y croire. Elle me répondit gentiment en me disant :

- Tiens comme c’est bizarre, je pensais justement à toi !

Mon cœur émergea soudain de sa léthargie post-hivernale.

Le mot abandon disparaissait du tiroir aux idées fixes et la jalousie devint soudain plus légère. J’en profitais pour lui proposer d’aller boire un verre dans le bar où nous nous étions rencontrés la première fois.

Il fallait que je me méfiasse, car pointait dans mon cerveau, une sensation qui était peut-être pire que la jalousie et l’abandon, la nostalgie ! Une véritable « saloperie » que la nostalgie, un poison insidieux qui nous fait voyager dans notre passé et qui fait remonter à la surface de notre subconscient, des moments heureux, oui, mais à jamais perdus ! Et moi j’étais champion des nostalgies à la petite semaine, des souvenirs d’un petit sourire, d’une parole gentille ou d’un baiser à peine amoureux…

J’étais en avance à mon rendez-vous et je craignais que Serena ne vînt pas.

Quand son retard atteignit les cinq minutes, mon moral plongea au sous-sol du bar, dans la cave où le patron entreposait ses piquettes importées d’on ne sait où.

Au bout de vingt minutes, j’étais projeté dans les mines de soufre à ciel ouvert des îles du Pacifique, respirant un air toxique, saturé de particules brûlantes et acides. Et quand Serena apparut, semblable à une brebis égarée, j’atterris dans un jardin au sol couvert d’ouate et dont les fleurs projetaient un parfum divin, presque visible.

J’aurais bien voulu lui faire des reproches, mais en vertu de quoi ? ELLE était libre et n’avait pas de comptes à me rendre. Alors, à la va-vite, je me fabriquais un masque d’hypocrite plus vrai que nature. J’avais bien une idée derrière la tête, qui aurait conduit Serena directement dans mon lit, mais, l’homme de Cro-Magnon avait fait son temps et c’était bien dommage !

Elle commanda un café et moi un déca, je voulais ménager mon cœur trop enclin à dépasser le rythme des palpitations imposé par dame nature. Elle était vêtue d’un chemisier blanc, juste conforme aux lois de la bienséance et d’une jupe noire presque mini. Par je ne sais quelle distorsion de l’espace-temps, moi je la voyais nue. Nue, comme elle le fut un certain soir, chez moi, quand nous jouions à la marelle ou plutôt à saute-mouton !

Je la sentais froide et distante pareille à une statue sculptée dans de la glace. Ce contact gelé, provoqua, à l’encontre des lois physiques élémentaires, la fusion de mes certitudes et la vaporisation de mes espoirs. J’étais prêt à abandonner le bateau, fuyant, comme un lâche, la tempête imaginée. Je lui demandai, quand même, qui était le monsieur qui se trouvait à côté d’elle, l’autre jour, dans la BMW grise métallisée. Soudain elle ressembla à un clou qui s’enfonce dans du bois tendre, sous les coups saccadés d’un marteau sadique. Son regard paraissait issu de sables mouvants d’origine douteuse. Elle nia tout en bloc en affirmant que jamais elle n’était montée dans une BMW.

Ah, ces filles qui ne connaissent pas les marques des voitures…

 

 

A suivre

 
 


 
 
posté le 27-05-2021 à 09:25:07

Marina (42).

 

 

 Mais derrière quelle porte se trouve Serena ?...

 

Serena me regardait à l’envers, j’avais l’impression qu’elle me voyait comme à travers ces vieilles pellicules de photos en noir et blanc où tout était inversé, nostalgie des années anciennes, lorsque nous devenions presque des fantômes.

Moi, je fixais le dessus vitrifié rouge de la table ronde bordée par un anneau plat en aluminium grisâtre. Mes mains, posées à plat sur la surface brillante et froide, semblaient ressentir les miasmes de toutes celles qui s’étaient abandonnées là, les mains du temps passé, les mains des personnes certainement atomisées à la suite d’une rupture sentimentale.

Je n’avais qu’une envie, me lever et partir, me sauver pour ne pas montrer ma souffrance trop disproportionnée provoquée par l’attitude de cette fille peu reconnaissante et aussi froide qu’une raie désappointée. Elle s’excusa en me disant qu’elle devait aller aux toilettes, pour se maquiller ou pour faire pipi ?

L’hippocampe(1) de mon cerveau, en léthargie depuis quelque temps retrouva une nouvelle jeunesse en essayant de se souvenir de ce lieu peu accueillant. Et une idée plus saugrenue que du caviar congolais, germa dans ma tête comme un rhododendron  dans un champ de concombres. Cette idée, un peu perverse, devint peu à peu un fantasme : faire l’amour dans les toilettes d’un bar, dans une position peu académique et tout simplement scandaleuse.

J’attendis une ou deux minutes pour tenter ma chance comme un chien en rut à la recherche d’une femelle en chaleur. Je poussais la porte des toilettes avec mon coude, histoire de ne pas choper une maladie honteuse. Devant moi apparurent alors, à droite les toilettes pour femmes et à gauche, celles réservées aux hommes. Je jetai un regard inquiet derrière moi et poussai le panneau en bois où se trouvait une sorte d’icône en plastique d’un blanc jaunâtre où était gravée, en noir, une silhouette féminine.

Serena n’avait pas fermé la porte avec le verrou et je la vis assise sur le WC en porcelaine, attendant une inspiration certainement théâtrale…

Ma main glissa sur le zip de mon pantalon comme dans les mauvais films pornographiques.

On ne fit dans ce lieu d’aisance, que le minimum syndical autorisé chez les flûtistes pressés…

 

A suivre

Notes :

 

1- Hippocampe : zone temporale du cerveau, qui est importante dans le processus de mémorisation spatiale   

 


 
 
posté le 27-05-2021 à 09:30:34

Marina (43).

 

Laissez-moi encore réfléchir,

je n'arrive pas à me décider... 

 

Je dois avouer que Serena s’était appliquée pour me satisfaire et même, certainement pour ajouter à mon plaisir, elle déclara, après avoir tout dégluti :

-Tu as un super goût d’amandes amères.

J’en étais presque fier de ce compliment un peu gluant et je voulus vérifier en essayant de l’embrasser sur la bouche. Elle détourna la tête, certainement pour me faire comprendre que je ne devais pas mélanger l’amour et le sexe. Baiser, un mot à double sens, qu’il ne fallait surtout pas confondre chez certaines femmes…

Dans la rue, à la sortie du bar, nous marchâmes d’une manière aussi parallèle que les trottoirs qui semblaient avoir été tracés à la règle par des ouvriers certainement névropathes. Serena s’appliquait à garder toujours la même distance, disons trente centimètres, entre nous. Nous progressions côte à côte sans nous toucher, comme deux étrangers muets. Elle avait pourtant en elle, une portion de moi, un liquide qui subissait, dans son estomac, l’attaque de ses enzymes digestifs. Dans quelques heures, quelques milliards d’atomes de mon sperme allaient s’intégrer définitivement dans sa chair, le savait-elle seulement ?

Une BMW gris métallisé roulant à faible allure nous dépassa et je crus observer sur le joli profil de Serena une contraction insignifiante d’un muscle, le petit zygomatique (1), de sa joue gauche, déclenchant un sourire un peu perturbé.

Je lui proposais de la ramener chez elle quand nous arrivâmes au niveau de ma voiture, garée à une centaine de mètres du bar. Elle joua encore des zygomatiques quand elle vit mon Alfa-Roméo, presque un sourire de mépris en découvrant mon véhicule italien ; elle devait préférer les puissantes voitures allemandes…

Elle refusa mon offre en me disant qu’elle allait  marcher.

Je démarrais sans lui dire au-revoir, toujours aussi déçu par son attitude plutôt étrange.

Chez moi, mon répondeur clignotait, agacé par mon absence. Mon ami de la fac des sciences de Marseille me demandait de le rappeler le plus tôt possible pour me communiquer les résultats des tests ADN effectués sur le tibia du squelette du labo de SVT et sur les poils de barbe trouvés dans le rasoir électrique de feu l’époux de Marina.

Je m’attendais au pire et j’hésitais, si le test était positif, à alerter la police. En parfait égoïste, la situation actuelle me convenait parfaitement.

J’avais « sous la main » deux femmes très différentes, une nymphomane toujours disponible, la prof de SVT et une autre plus jeune qui me posait des problèmes psychologiques qui enflammaient mes neurones. Le statu quo (2), pour un aboulique (3) comme moi, était la situation idéale.  C’est pourquoi je décidais de ne rien faire et d’oublier, pour un certain temps, mon ami de Marseille…

 

A suivre

 

Notes :

 

1- Zygomatique : muscle transversal de la joue qui se contracte au moment du sourire.

2- Statu quo : situation actuelle ou présente des choses.

3- Aboulique : qui souffre d'un trouble mental caractérisé par une incapacité à décider ou à entreprendre.

 

 

 

 

 


 
 
posté le 27-05-2021 à 10:09:59

Marina (44).

 

 

 

Quand j'allais voir Marina dans son labo,

je prenais beaucoup de risques... 

 

Marina, ELLE, ne m’oubliait pas !

Elle me relançait périodiquement pour que j’allasse la voir dans son labo entre treize heures et quatorze heures. De toute évidence, son taux de progestérone (1) atteignait des valeurs anormalement élevées. Moi, je ne répondais pas systématiquement à ses appels, je la faisais un peu languir, histoire de la maintenir sous pression et surtout de recharger mes batteries biologiques, déjà pas mal mises à contribution par Serena.

Parfois j’enviais les moines qui faisaient vœu de chasteté, mais en existait-il encore à notre époque ? Le printemps et l’été qui arrivaient, avec l’éclosion des jupes courtes, boostaient, par l’activité fantasmatique du cerveau, la production de testostérone : nos testicules, comme des panneaux solaires travaillaient à plein régime, heureusement.

Je me demandais, quand même, si Marina n’avait pas "entrepris" quelques profs du collège. Je passais en revue tous les mâles capables, d’après moi, de la satisfaire sexuellement. J’en voyais bien cinq pas trop décrépis par ce métier infernal, l’enseignement ! Ça allait du prof de SVT, son collègue immédiat, qui à trente-cinq ans semblait bien vigoureux, bien qu’il fût marié à une splendide jeune femme, sexy en diable, qui avait provoqué en moi, mais dois-je l’avouer, une érection bien involontaire, le jour où il me la présenta, au cours de l’apéritif de rentrée.

Il y avait aussi deux profs d’EPS qui semblaient bien virils, du moins en apparence, avec leur short moulant qui révélait, aux yeux de tous, un appareillage tout ce qu’il y avait d’indécent.

Léonard, qui enseignait les sciences humaines, grand gaillard divorcé, était aussi du genre à fréquenter le labo de SVT aux environs de treize heures. Tous ces profs semblaient sains de corps, à défaut de l’être par l’esprit, minés par l’attitude, la paresse et l’insolence des élèves qui se croyaient au club méditerranée.

Je n’étais pas jaloux, mais parfois l’inquiétude gonflait en moi comme un ballon de baudruche, car Serena refusait catégoriquement de se protéger. Pour elle, les préservatifs l’empêchaient de jouir en la privant de ce contact tellement intime de la peau si fine du sexe de l’homme. Elle aimait aussi sentir le jaillissement de cette liqueur chaude et gluante qui la rendait folle.

Un jour, je la rejoignis vers 12h45 dans son labo situé en rez-de- chaussée et dont les vastes fenêtres donnaient sur la cour de récréation. Souvent nous nous livrions là, à des activités parfaitement inavouables, les stores à peine baissés, alors que les élèves étaient assis par terre, de l’autre côté du mur. J’essayais, avec beaucoup de mal, d’atténuer les cris de volupté de Marina pendant son orgasme, en collant ma bouche sur la sienne, pour faire, de mes lèvres, un bâillon amoureux. Ce jour-là, Marina avait l’air inquiète et elle me regarda comme un futur condamné à mort. En s’approchant de moi, les yeux un peu baissés, elle me dit :

- Tu sais, tu devrais faire un test VIH !

Soudain, je me vis transformé en Marie-Antoinette, à l’époque de la révolution, la tête sur le billot (2). Incapable de répondre, j’attendais la chute tragique de la lame sadique de la guillotine. En même temps, il me sembla que mon sang circulait à contre-sens dans mes veines et dans mes artères dans une cacophonie de grand embouteillage.

L’air idiot, je ne pus que balbutier :

-Mais pourquoi ?

Elle était gênée, Marina la nymphomane ! Elle se racla la gorge, comme elle le faisait lorsqu’elle déglutissait mon sperme. Elle finit par me dire :

-Tu sais, je crois que Léonard fréquente les putes… !

 

A suivre

 

Notes :

 

1- Toutes les hormones de Marina ou de moi :

 

 

Substance

 Joue sur

 Effet

 

Dopamine

Désir, excitation

Positif

La dopamine pourrait intervenir dans l’envie de prolonger un rapport sexuel.

Sérotonine

Désir, excitation

Positif et négatif

Facilite les contractions de l’utérus pendant l’orgasme mais peut aussi empêcher de parvenir à l’orgasme.

Noradrénaline

Excitation

Positif

Augmente la fréquence cardiaque et l’excitation.

Œstrogènes

Excitation, désir

Positif

Un déficit en œstrogènes est associé à une atrophie vaginale et un manque de lubrification.

Monoxyde d’azote

Afflux de sang dans le clitoris

Positif

Des niveaux suffisant d’œstrogènes et testostérone semblent nécessaires pour que l’oxyde nitrique puisse provoquer une vasocongestion.

Ocytocine

Réceptivité, orgasme

Positif

Augmente les contractions du périnée pendant l’orgasme.

Progestérone

Réceptivité, désir

Positif

La progestérone peut être efficace pour les femmes qui souffrent de sécheresse vaginale.

Prolactine

Excitation, désir

Négatif

La prolactine intervient dans l’extinction de la tension sexuelle après l’orgasme. Un taux trop élevé est associé à une baisse du désir. Hormone de la « satiété » sexuelle.

Testostérone

Désir, initiation de l’acte sexuel

Positif

Certaines études associent un déficit en testostérone à une baisse du désir.

Peptide intestinal vasoactif

Flux sanguin

Positif

Augmente l’afflux de sang dans le clitoris.

 

 2- Billot : socle de bois utilisé pour trancher la tête des suppliciés.

 

 

 

 

 


 
 
posté le 27-05-2021 à 10:18:35

marina (45).

 

 

 

Ma mutation en gastéropode ramolli

à cause de la perversité de Marina...

 

 

Naïvement je répondis :

- Et alors, si ce bon à rien de Léonard fréquente les putes, c’est son affaire !

Marina me regarda comme si j’étais un élève débile multi-redoublant et elle tenta alors de m’expliquer avec des mots simples (déformation professionnelle) le lien qui existait entre lui et moi.

- Tu sais, le mois dernier lorsque je t’ai sucé dans le labo, Léonard venait juste de me quitter…

Bien sûr, je présageais le pire. Elle continua :

- Léonard avait éjaculé dans ma bouche et je n’avais pas eu le temps de tout avaler…

Je me souvins alors que ce jour-là, j’avais trouvé la salive de Marina, particulièrement gluante. Mon gland non protégé avait pataugé quelques minutes dans le sperme de Léonard. Je ne pus m’empêcher de crier :

- Mais tu es une truie !

Cette insulte, sembla l’exciter et elle mit sa main sur ma braguette. Je la repoussais assez brutalement en combattant une nausée qui s’insinuait insidieusement dans mon estomac et dans mon cerveau.

Et je quittais le labo, l’esprit aussi tourmenté que celui d’un futur condamné à mort.

Un test VIH ? Comme elle y allait cette garce. Je n’avais pas l’intention d’en faire un, j’étais certainement la réincarnation d’une autruche, sûr d’être contaminé, j’essayais d’estimer le nombre d’années qui me restait encore à vivre.

Chez moi, mon moral oscillait, au fil des heures, entre gros temps et avis de tempête, autant dire que je me transformais en coquille de noix ballotée dans les flots impétueux de l’angoisse aussi sinistre qu’un train qui déraille.

Je savais que dans cette maladie, le SIDA, le mal prenait son temps et que je pouvais même attendre plusieurs années avant qu’il ne se révélât. Un test aurait pu me rassurer ou bien me détruire, c’est pourquoi l’ignorance me convenait plutôt, elle me permettait de m’accorder un sursis sans symptômes.

J’examinais quand même ma peau au moins dix fois par jour pour détecter l’apparition du moindre bouton suspect, ou de lésions inhabituelles. Bref je n’étais pas tranquille et je maudissais cette Marina de malheur qui m’avait entraîné dans ses fumeuses turpitudes.

Je me transformais en ascète fuyant la bagatelle, une sorte d'escargot décérébré, sans volonté. Je me réfugiais dans ma coquille qui semblait me protéger des dangers extérieurs et des louves friandes de la chair savoureuse des mollusques dépressifs, des gastéropodes ramollis...

    

 

A suivre

 

 


 
 
posté le 27-05-2021 à 10:24:14

Marina (46).

 

 

La philosophie et Marina sont-elles compatibles ? 

 

Les jours qui suivirent ce soupçon de contamination, se colorèrent en beige délavé, une couleur peu sympathique qui reflétait mon état d’âme. Je ne voulais plus voir personne et surtout pas Marina et Serena, deux femmes qui, je le pensais, s’étaient liguées pour me détruire.  

J’allais parfois dans l’étrange librairie de Monsieur C… qui m’accueillait toujours aussi mystérieusement, comme s’il pouvait résoudre tous mes problèmes avec ses conseils plutôt philosophiques. Sa femme, une vieille chinoise, qui se promenait parfois dans les rayons, presque toujours déserts, avec un plumeau multicolore, certainement made in China, semblait me surveiller en me prenant  pour un voleur de livres, profession depuis longtemps disparue.  

Le libraire, lui, semblait lire dans mes pensées, en me proposant souvent un ouvrage en rapport avec mes préoccupations. Et ils étaient nombreux tous mes soucis ! Invariablement, les aiguilles de ma montre analogique s’immobilisaient dans ce lieu où le temps semblait prendre des vacances.

Mon esprit perturbé planait au-dessus des livres, sans se décider à atterrir sur l’un d’eux, c’est pourquoi, au bout d’un temps non mesurable, je décidais de partir sans rien acheter.

Le libraire me héla au moment où je passais devant lui.

- Monsieur, monsieur, j’ai un livre pour vous !

Il se baissa sous sa caisse enregistreuse et réapparut avec un petit livre poussiéreux intitulé « Lettres à Lucilius » de Sénèque (1).

- C’est un cadeau de la maison, me dit-il avec un sourire qui m’inquiéta.

En sortant de la boutique, je regardais ma montre dont les aiguilles bondirent brutalement de 15h à 16h30. Apparemment, le temps s’était arrêté pendant quatre-vingt-dix minutes…

Chez moi, mon répondeur téléphonique s’impatientait : deux messages m’attendaient, l’un de Marina et l’autre de Serena. Il fallait s’y attendre, elles désiraient me voir, mais moi je n’avais aucune envie de les rencontrer, surtout Marina qui, peut-être, m’avait transmis une maladie plus que mortelle. Un instant, une idée déraisonnable vint parasiter mon cerveau : le souvenir précis de la bouche de l’empoisonneuse qui s’activait sur une partie de moi qui n’avait plus été utilisée depuis pas mal de jours et cela provoqua une érection bien involontaire.

La nuit arriva comme un couvercle sur une soupière et je me barricadais dans mon appartement persuadé de me trouver dans un quartier mal fréquenté de Kaboul. Je m’installais sur mon canapé après avoir introduit un Cd dans le lecteur de ma chaîne et appuyé sur la touche <Play> pour écouter du Jazz de la Nouvelle Orléans des années cinquante… Mon sommeil, avait depuis longtemps fait une fugue, ce qui m’incita à commencer la lecture des « Lettres à Lucilius(2) » de Sénèque.

Je pensais, en toute innocence, que la philosophie grecque vieille de plus de deux mille ans allait être un puissant narcotique, eh bien, je me trompais !...

 

A suivre

 

Notes :

 

1- Sénèque (4 av. J.-C., mort le 12 avril 65 ap. J.-C.) est un philosophe stoïcien dont la méditation porte essentiellement sur la sagesse, le bonheur et la vie heureuse. Professeur de l’empereur Néron (qui lui ordonnera plus tard de s’ouvrir les veines). Opposé à Cicéron, pour lequel la vie sociale et le devoir citoyen devait primer. Sa sagesse consiste à cultiver sa volonté pour mettre son bonheur dans la vertu et non dans les hasards de la fortune (La Vie Heureuse).

La philosophie de Sénèque est aussi une pensée de la mort, laquelle doit être apprivoisée par l’homme avec recul, sagesse et quiétude.

 

2-Extrait des Lettres à Lucilius de Sénèque.

 

 

« …nous ne tombons pas soudainement dans la mort mais nous avançons vers elle pas à pas. Nous mourons chaque jour car chaque jour nous est ôtée une part de notre vie : à mesure que notre âge s’accroît, notre vie diminue. Nous perdons l’enfance, puis l’adolescence, puis la jeunesse : jusqu’à la journée d’hier, tout le temps qui s’est écoulé est mort. Même le jour que nous sommes en train de vivre, nous le partageons avec la mort ! Ce n’est pas la dernière goutte qui vide la clepsydre, mais toutes celles qui sont tombées auparavant : ainsi, la dernière heure, celle de notre fin, n’est pas la seule à provoquer notre mort, mais la seule à la mener à terme. C’est à ce moment que nous atteignons le but, mais nous marchons depuis longtemps…

 …Il n’y a pas qu’une mort ; mais celle qui nous emporte est la mort ultime ». »

 

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3-Sénèque et la mort :

- “Méditer la mort, c’est méditer la liberté ; celui qui sait mourir, ne sait plus être esclave”.

- “Le sage vit autant qu’il le doit, non autant qu’il le peut”.

- “Perdre la vie est perdre le seul bien que l’on ne pourra regretter d’avoir perdu puisque l’on ne sera plus là pour s’en rendre compte”.

- “Hâte-toi de bien vivre et songe que chaque jour est à lui seul une vie”.

 

 

 

 

 

 
 


 
 
posté le 27-05-2021 à 13:55:19

marina (47).

 

Moi, j'aurais préféré que Marina eût plutôt la grippe...

 

Sénèque se révéla être un excellent excitant intellectuel, ce qui me permit de lire, sans m’endormir, ses « Lettres à Lucilius ».

Comment cela a pu être écrit il y a plus de deux mille ans ? Mais ce qui m’inquiétait le plus, c’était ce message qu’avait voulu me transmettre le vieux libraire. Etait-ce un avertissement concernant ma mort prochaine ? Et comment pouvait-il être informé des risques que j’avais pris avec Marina, la nympho du collège, la joueuse de flûte vivante qui crachait comme un ivrogne russe.

Mes matins ressemblaient à de la pâte à pain crue, collante, informe, indigeste. Il semblait que tous les organes de mon corps m’adressassent des messages de détresse pour m’avertir de pannes irréversibles. Bref, chaque matin, je me sentais devenir une voiture qu’on allait envoyer à la casse.

Parfois, mon angoisse baissait la garde et il me prenait des envies lubriques qui me faisaient penser à Marina et à Serena, celles qui m’accueillaient dans leur corps à bras ouverts, si l’on peut dire. Alors quelque part en moi, des réactions chimiques mystérieuses provoquaient la mutation d’une chenille mollassonne en un pic en acier inoxydable dressé comme l’obélisque de Louxor. Je n’étais plus qu’un mâle en rut à la recherche d’une femelle en chaleur.

A défaut de me parler au téléphone, mon ami de Marseille m’envoya un courrier dans lequel il me disait que les tests ADN concernant le squelette du labo et les poils de barbe du rasoir électrique du mari de Marina s’étaient avérés positifs, en d’autres termes que le squelette du labo était celui de l’époux de la prof de SVT. Cette information aurait pu être capitale, si à ce moment-là je n’avais aperçu sur ma main un bouton tout ce qu’il y avait d’antipathique, un bouton, à la mine patibulaire, une sorte de pustule aussi inquiétante qu’un bandit de grand chemin.  Bref, j’étais fichu !       

- Les premiers symptômes du SIDA, me dis-je en observant mon visage dans un miroir.

Et sous ma lèvre inférieure, un autre bouton inquiétant avait planté sa tente de camping. Etait-il nécessaire alors de pratiquer un test VIH ?

 

A suivre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 
 
posté le 29-05-2021 à 08:43:55

Marina (48).

Mais pourquoi suis-je si inquiet ? 

 

L’inquiétude du soldat qui avance sur un terrain miné, c’est de marcher sur un engin explosif enterré à quelques centimètres de la surface du sol. L’utilisation d’un détecteur de mines permet d’éviter pas mal de mauvaises surprises.

Mon inquiétude à moi, c’était de découvrir chaque jour de nouveaux boutons, signes que cette maudite maladie s’installait partout dans mon corps. Peu à peu, pour juguler cette angoisse, une idée parasitait ma conscience, c’était de faire un test VIH. Au moins il n’y aurait plus cette attente du pire, puisque le pire s’abattra sur moi quand j’aurai les résultats de mes analyses.

Je suis comme ça, la prise de décision doit mûrir dans ma tête, comme un fœtus, elle doit se développer et s’imposer au bout d’un temps plus que certain. Mon médecin, quand je lui demandai de me prescrire ce test, me regarda comme si j’avais violé une nonne centenaire, plus vierge que le mur de Berlin à l’époque de la guerre froide.

Le laboratoire d’analyses médicales me fit penser à l’antichambre d’un abattoir de taureaux en fin de vie et plusieurs fois j’eus envie de fuir comme un aveugle unijambiste, fuir, en fermant les yeux, cette sentence mortelle qui allait briser mes jambes.

On me remit une enveloppe cachetée en me demandant d’aller l’apporter le plus tôt possible à mon médecin traitant. Je crus voir, à ce moment-là, sur le beau visage de la secrétaire du labo, une compassion maternelle pour le futur cadavre que j’allais bientôt être.

Dans la poche de ma veste, l’enveloppe prenait des allures de tison incandescent qui allait mettre le feu à mon corps gangréné.

En marchant dans la rue, je me surpris à penser à haute voix :

- J’irai voir mon médecin la semaine prochaine.

Je me gardais sept jours de transition avant l’annonce de ma condamnation à mort. Sept jours durant lesquels je me forçais à oublier tous mes boutons et la nausée qui ne me quittait plus.

D’un coup de pied rageur, je poussai ma balance électronique sous une armoire en décidant que je ne me pèserai plus, pour ignorer cet amaigrissement inquiétant qui avait débuté le jour de la révélation que Marina m’avait assénée dans son sinistre labo.

Quinze jours plus tard, je n’étais pas encore allé chez mon médecin et l’enveloppe qui contenait le résultat de mon test VIH se morfondait sur mon bureau. J’allongeais ainsi mon sursis comme un condamné à mort qui demande la grâce présidentielle. Une grâce qui était rarement accordée, mais qui n’avait pas une probabilité nulle. La mienne, de probabilité était égale à zéro, zéro, zéro…

Après trois semaines de tergiversations, j’en étais toujours au même point et la maudite enveloppe commençait à se recouvrir de poussière.

Un matin, après une lutte acharnée contre l’insomnie, je pris la décision d’ouvrir cette enveloppe comme si j’allais soulever le couvercle d’un cercueil…

 

A suivre… 

  

 
 

 

 

-- 

 

 
 


 
 
posté le 29-05-2021 à 08:51:30

Marina (49).

 

 

 

Il ne me restait plus qu'à ouvrir cette maudite enveloppe... 

 

Bon, j’avais décidé d’ouvrir cette maudite enveloppe destinée à mon médecin et dans laquelle figurait certainement ma condamnation à mort. Ce pas difficile à franchir et qui allait me projeter dans un film d’épouvante, j’hésitais encore à l’accomplir, comme si le fait d’ouvrir ou de ne pas ouvrir l’enveloppe pouvait changer le cours des choses. Mon angoisse donnait à tous mes gestes une dimension magique et je me projetais des films en pensant :

- Si j’ouvre l’enveloppe, j’ai le SIDA et si je ne l’ouvre pas, je ne l’ai pas !

Pas si facile que ça quand même, car une minute plus tard, j’inversais le sens de ma phrase.

Pour détourner ce jeu de pile ou face, mon cerveau perturbé avait trouvé une troisième possibilité, en d’autres termes prendre connaissance des résultats de mon test sans ouvrir l’enveloppe. Pour cela, je m’installais à mon bureau et je collais l’enveloppe contre la l’ampoule allumée de ma lampe en col de cygne. Je pensais ainsi que, par transparence, je pourrais lire son contenu. Peine perdue, la lampe n’était pas assez puissante : 30 watts à peine, juste suffisante pour distinguer quelques signes sur le papier trop opaque à mon goût. La seule solution, c’était de remplacer cette lampe maigrichonne, par une autre bien plus puissante et tant pis si ça faisait enrager les écologistes, ces prophètes de malheur qui nous prédisaient l’apocalypse en inventant de nouveaux péchés capitaux.

Sous mon lit, j’avais caché, comme un voleur, une boîte pleine de lampes à incandescence, ces antiquités énergivores, condamnées par Nicolas Hulot en personne, et qui avaient été remplacées par des lampes à économie d’énergie qui émettaient pas mal de rayons UV, responsables de cancers de la peau, mais qui protégeaient la planète. J’en choisis une à cent watts, conscient que je commettais un crime écologique. Je collais l’enveloppe contre l’ampoule l’ultra lumineuse et brûlante et par transparence je ne pus que lire :

«  Test ELISA… résultat ……tif »

« …tif » cela pouvait être soit positif soit négatif. J’étais bien avancé !

Je sentis comme une coulée de sueur glaciale, naître entre mes omoplates et couler le long de la peau de mon dos.

Je ne savais plus que faire, paralysé par la peur d’apprendre une mauvaise nouvelle. Je me sentis devenir une marmotte entrant en hibernation un matin pluvieux d’hiver. C’est à ce moment-là que le téléphone sonna : c’était Marina qui m’appelait pour la centième fois. Comme une larve de zombie, je décrochais le combiné en espérant me faire consoler par la nymphomane du collège. Je lui racontais tout en détails et elle me répondit :

- Pauvre chou, viens me retrouver à 13h au labo, nous ouvrirons l’enveloppe ensemble !

C’était une solution qui me permettait de gagner quelques heures avant le verdict…

 

A suivre… 

 

 

 
 


 
 
posté le 29-05-2021 à 09:20:49

Marina (50).

 

 

 

Dans la cour, quelques élèves s'ennuyaient...

 

J’avais hâte de rencontrer Marina, juste pour me faire consoler bien qu’elle fût la cause de tous mes tourments.

Je me pointais vers 12h45 devant le portail fermé du collège et je sonnais pour que le concierge pût l’ouvrir. Il me regarda comme s’il ne me connaissait pas, avec un air suspicieux, presqu’hagard, rougeaud et bouffi, portant sur son visage les stigmates de son alcoolisme. J’essayais d’être normal, cachant mon inquiétude et essayant de dissimuler les quelques boutons qui étaient apparus sur mon visage.

- Ah, c’est vous Monsieur X….., me dit-il dans un brusque sursaut de lucidité.

- Oui, répondis-je, c’était le mot le plus court possible.

Pour rejoindre le labo, je devais traverser la cour de récréation, heureusement déserte à cette heure-ci. Il y avait bien quelques élèves anorexiques ou dans le besoin qui désertaient la cantine. Ils étaient agglutinés par groupe de cinq ou six, dans les endroits ombragés, assis par terre et pianotant comme des malades sur leurs Smartphones ou sur leurs consoles de jeux. Je craignais de rencontrer des collègues logorrhéiques (1) à la recherche d'une victime pour la noyer sous un déluge de phrases gluantes et inutiles.

Ouf, j’avais traversé cette maudite cour sans encombre et il ne me restait plus qu’à atteindre le préau qui précédait la porte qui ouvrait sur les différentes salles du bâtiment.

Au rez-de-chaussée il ne me restait plus qu’à tourner à droite pour atteindre le labo de SVT. J’y étais presque, quand je sentis une main se poser sur mon épaule. C’était celle de Jeanne, la CPE, qui rôdait dans les couloirs. Elle était blonde, mignonne, assez petite, les cheveux courts et un joli sourire rassurant et empathique (2) illuminait son visage. Pour être honnête, je dois avouer que j’avais souvent fantasmé sur elle, des désirs doux sans sexe, juste des envies de la prendre dans mes bras et de l’embrasser sur la bouche…Elle s’approcha de moi pour me faire la bise, geste instinctif que je ne pus éviter et qui me plongea un instant dans son petit monde parfumé.

- Comment vas-tu, Virgile ? me murmura-t-elle avec des mots qui ressemblaient à des chamallows parfumés à la framboise.

Devais-je lui avouer que mon moral avait atteint la profondeur de la fosse  océanique des Mariannes (3) ? Je ne pus que lui répondre avec un sourire forcé :

- Ca va et toi ? C’était le minimum pour éviter l’impolitesse.

Son regard continuait à me troubler et son sourire, léger comme une plume de poussin, me caressait à distance. J’étais prêt à sombrer, à tout lui révéler, à exposer sur des tréteaux toutes mes pensées les plus intimes, quand,  au bout du long couloir, apparut un élève à la mine patibulaire. Jeanne dut me quitter pour aller faire son devoir : sermonner cet intrus qui ne devait pas errer dans le bâtiment entre 13h et 14h.

Moi, je me sentis soudain abandonné et je frappai donc à la porte du labo de SVT. En entrant dans la salle où planait une odeur forte de formol, j’aperçus Marina en blouse blanche qui vint vers moi en souriant.

Sourire, était-ce approprié dans la situation catastrophique dans laquelle je me trouvais ?

Dans ma poche, l’enveloppe qui contenait le résultat du test VIH, appuyait sur mon cœur comme un poignard empoisonné…  

 

A suivre

 

Notes :

 

 

1 – Logorrhée : pathologie du langage qui conduit le malade à

                       déverser un flot rapide et ininterrompu de paroles.

2 : Empathie : faculté intuitive de se mettre à la place d'autrui et

                      de comprendre ses sentiments et ses émotions.

3 : Fosse des Mariannes : La fosse des Mariannes est la fosse

                                       océanique la plus profonde actuellement

                                       connue et l’endroit le plus profond de la

                                       croûte terrestre. Elle est située dans la

                                       partie nord-ouest de l’océan Pacifique, à

                                      l’est des Îles Mariannes et à proximité de

                                      l’île de Guam. Le point le plus bas se situe 

                                      selon les relevés entre un peu moins de

                                      11 500 mètres et un peu plus de 11 000

                                     mètres de profondeur.

 
 

 

 
 


 
 
posté le 30-05-2021 à 06:58:47

Marina (51).

 

 

Marina fumait-elle vraiment du tabac?

J'avais comme des visions lorsque la fumée

arrivait à mes narines...

 

Dans le labo de SVT, Victor, le squelette, semblait sourire en contemplant ma mine fantomatique, il pensait certainement que bientôt, j’irai jouer aux osselets avec lui dans l’autre monde.

Marina se colla à moi, dans un sursaut de tendresse inhabituel chez une nymphomane comme elle. Au-dessous de ma ceinture, c’était le calme plat, une larve molle et dépressive, incapable de relever la tête. Bien sûr, j’en voulais beaucoup à cette femme, mais n’avais-je pas été, aussi, un peu irresponsable en acceptant ses jeux pervers sans préservatif ?

Je sortis la fameuse enveloppe froissée et la tendit à Marina en lui disant :

- Vas-y, ouvre la et ne m’annonce pas trop brutalement la mauvaise nouvelle.

Avec un sourire presque moqueur, elle saisit cet emballage en papier qui cachait encore la révélation de ma condamnation à mort. Elle déposa l’enveloppe pliée en deux, dans le sens de la longueur, dans un bécher (1) en verre à la propreté douteuse qui avait dû contenir beaucoup de cadavres de grenouilles ou d’animaux, gluants comme mon moral.

- Tu ne l’ouvres pas ? lui dis-je avec une voix chevrotante comme celle de l’animal de Monsieur Seguin.

Dans ses yeux, des éclairs semblaient faire la fête et sa poitrine se soulevait comme si sa respiration devenait incontrôlable.

- On peut s’amuser un peu avant si tu veux, dit-elle avec l’aplomb d’un plombier-zingueur.

Elle se mit à genoux devant moi et entreprit d’ouvrir ma braguette aussi plate que la poitrine de Jane Birkin. Elle en sortit un caramel mou qui avait bien rétréci au lavage.

- Mais tu ne bandes pas ? me dit-elle en se fourrant dans la bouche cette friandise ratatinée.

Ma réplique fut cinglante :

- Comme si j’avais la tête à bander avec tout ce qui m’arrive ! Allez dépêche-toi, ouvre cette enveloppe !

De toute évidence, Marina se moquait de moi.

Sans que je le voulusse, le caramel, dans sa bouche, perdait de son atonie (2), devenait dur, prenait de l’ampleur, ragaillardi par la salive chaude et par la langue fureteuse de Marina. Elle savait y faire, la garce, sans dégoût, sans crainte et cela, sans que je susse pourquoi, avait un effet positif sur mon moral. Fatalement, en ce moment-là, je n’étais pas le champion de l’endurance et en trente secondes, je projetais dans sa bouche des salves gluantes, peut-être empoisonnées.

Elle avala le tout en gloussant comme une poule pondeuse ensemencée par le coq de la basse-cour. Moi, je pensais qu’elle était folle !

Elle s’assit ensuite sur la paillasse en carreaux de faïence blanche en balayant d’un revers de main des béchers, des tubes à essais et des têts (3) en terre cuite ; ses pieds oscillaient nerveusement à vingt centimètres du sol. Elle écarta les cuisses et en tirant sur le tissu de son string noir, elle me dit :

- Baise-moi chéri !

A ce moment, je pensai qu’elle savait qu’on était tous les deux séropositifs et qu’elle m’offrait ainsi l’équivalent de la dernière cigarette du condamné à mort, le dernier verre de rhum avant la guillotine…

Je refusais ce qu’elle m’offrait, sans protection, avec tant d’impudeur. Entre ses cuisses, sa fente aux lèvres gonflées et entrouvertes laissait suinter une mousse blanchâtre qui indiquait le degré de son excitation.

Mon obsession renaquit en même temps que mon caramel se ratatinait et redevenait tout mou. Je lui dis :

- Alors, tu l’ouvres, cette enveloppe ? Oui ou non ?

Elle était vexée, blessée, insatisfaite à cause de mon refus.

Elle murmura, en se remettant debout :

- Sois patient, je vais d’abord fumer une cigarette.

Elle mit dans sa bouche l’empoisonneuse de poumons et actionna son briquet qui fit apparaître une flamme bleue et joyeuse. Sans que je pusse réagir, paralysé par l’angoisse, je la vis mettre le feu à l’enveloppe qui contenait les résultats de mon test VIH. Le papier sec brûla entièrement en quelques secondes en laissant au fond du bécher un petit tas de cendres noires.

C’est à ce moment-là que j’eus envie de l’étrangler…

A suivre

 

Notes :

 

1- Bécher : récipient gradué cylindrique en verre ou en plastique utilisé pour de nombreuses applications de laboratoire, notamment en chimie, physique, biologie et pharmacie. Le mot provient de l'allemand Becher qui signifie gobelet.

2- Atonie : manque de tonus, d’énergie (d'un organe)

3- Têt : coupelle.


 


 
 
posté le 31-05-2021 à 18:53:50

Marina (52).

 

 

 

Sous l'effet conjugué de l'alcool, des trois litres de crème glacée

et peut-être des malfaisants virus,

je me voyais dans la peau de Fred Astaire.

( On peut toujours rêver). 

 
  Etrangler Marina ? Un bref instant, j’en eus bien envie ! Mais moi, gentil comme un moine cistercien, je contins bien vite ce brutal désir d’assassinat. Je lorgnais bien sur un flacon d’acide chlorhydrique, que j’aurais pu lui lancer au visage pour la défigurer définitivement. Décidément, Marina, avait non seulement tué son mari, mais aussi certainement contaminé une grande partie du personnel masculin de ce collège. A mes yeux, elle s’était transformée en une hyène  lubrique  seulement capable du pire. Pourquoi avait-elle brûlé l’enveloppe qui contenait les résultats de mon test VIH ? Je lui posais la question, mais elle ne répondit pas. Je me mis alors à élaborer des théories plus fumeuses les unes que  les autres avec la conviction d’un élève de troisième face au théorème de Pythagore. Avant de sortir de ce maudit labo, je lui lançai un regard improbable, comme celui d’un touriste qui jette un crouton de pain à un lépreux de Bombay. Je ne pus que murmurer :

- Adieu !

Dans le couloir, aussi à l’aise qu’un équilibriste alcoolique, je heurtai un élève qui se déplaçait en pianotant sur son Smartphone pour envoyer un SMS, tout en écoutant son lecteur mp3 , bref un élève aveugle et sourd, digne représentant de la jeunesse actuelle dont seront issus les futurs aviateurs ou chirurgiens…

Que faire maintenant ? Bien sûr, je pouvais aller demander au labo d’analyses médicales, un duplicata de mes tests VIH, mais c’était au-dessus de mes forces, du moins pour l’instant. Il ne me restait plus qu’à attendre, je ne savais pas quoi, attendre que ma santé chancelât comme la flamme d’une bougie arrivée en bout de course.

Chez moi, je fus saisi par une brutale envie de crème glacée au caramel, seule capable, à mon avis, d’adoucir mes derniers instants. Mon congélateur était aussi désert que la toundra gelée de l’Arctique et je dus me résoudre à me rendre dans le magasin Picard situé au coin de ma rue. Là, la vendeuse me dévisagea comme si j’avais été un esquimau anorexique. Dur, dur, de supporter ces regards qui ne comprennent pas. Moi, en échange, je me mis à contempler ses seins qui avaient le volume des melons de Cavaillon, mais en avaient-ils le parfum ? Mystère, mystère, car je ne sentis, en m’approchant d’elle, que de vagues effluves de déodorant Rexona. Finalement j’achetais trois bacs de crème glacée de un litre (pistache, vanille et  caramel) de quoi avoir une crise d’hyperglycémie ce soir, en les consommant toutes, vautré sur mon canapé à écouter un cd de Benny Goodman à la clarinette et de ses acolytes.

 Benny Goodman - Sing Sing Sing 1935

 

Ça valait bien une giclée de sperme dans la bouche de Marina la nymphomane. J’avoue aussi que j’arrosais le tout de Cognac, histoire  d’apprécier le rythme endiablé de la musique que j’écoutais et dont les notes  avaient une fâcheuse tendance à s’agglutiner dans mon cerveau.

C'est alors que je me mis à fantasmer sur Ginger Rogers. Je me voyais danser avec elle et moi j'étais dans la peau de Fred Astaire.

 

  GINGER ROGERS ET FRED ASTAIRE
 

 

 Vers trois heures du matin, je me sentais proche du coma diabétique et j’attribuais tous ces symptômes aux petits virus du SIDA qui devaient festoyer dans mon corps.

Mon estomac était une outre dilatée contenant un mélange détonnant de près de trois litres de crèmes glacées à la vanille, au caramel et à la pistache. Malgré tout son talent, j’avais l’impression  que Benny Goodman me frappait sur le ventre avec sa clarinette.                                                                                                                         

Une demi-heure plus tard, le téléphone sonna…

                                                                             

                                                                                 A suivre 

 
 


 
 
posté le 03-06-2021 à 08:54:26

Marina (53).

 

                              J'ignorais que les crèmes glacées donnaient le mal de mer...

 

Ce téléphone qui criait me donnait la nausée. Mon estomac semblait danser le cha-cha-cha sur un bateau qui tanguait dans le triangle des Bermudes. Je voyais le mât qui avait l’air redoutable d’un bandit de grand chemin qui rêvait de me trancher la gorge. Autour de moi, le chaos, tout bougeait et glissait sur le pont souillé par des matières visqueuses. Le téléphone s’énervait et sa sonnerie ressemblait de plus en plus à une sirène assourdissante, comme celle des pompiers. Ma main décrocha le combiné et le porta à mon oreille. J’entendis une voix, comme un cri lointain dans un concert de rock :

- Allo, allo, c’est Marina !

Marina ? C’était qui celle-là ? Une forme féminine émergea de mon cerveau gélatineux et je crus me souvenir d’elle :

- Dégage, grosse truie !

Et je raccrochais brutalement, quand sortit de ma bouche un cocktail à moitié digéré de glaces aux parfums sataniques : vanille-caramel-pistache. Benny Goodman était reparti dans son arrière-monde avec sa clarinette et ses copains braillards. Moi, j’attendais.

Le matin ne se pressait pas d’arriver. Mes yeux distinguaient à peine les grands chiffres lumineux rouges projetés sur le plafond de mon salon : mon radioréveil, imperturbable, travaillait en silence.

4 :00, c’est ce que je voyais.

Je confondais l’heure et la valeur de ma pression sanguine.

4 :00, ciel, je suis en brutale hypotension ! pensais-je dans un bref sursaut de lucidité.

Je tâtais mon pouls ; il avait des pulsations qui ressemblaient aux pas de danse des vieux pensionnaires des maisons de retraite.

J’avais soif.

J’essayais de séduire ma bouteille d’eau minérale. Mais miss Evian me faisait la gueule, jalouse comme une vieille fille délaissée. Après plusieurs essais infructueux, elle eut pitié de moi et accepta de pleurer dans mon verre peu reluisant. Dans ma gorge coula un liquide inconnu ; il rinça mon tube digestif qui devait avoir une drôle de tête.

4 :10, tiens ma tension remontait peu à peu.

Et je sombrais dans un coma cataleptique* !

Quand, beaucoup plus tard, ma paupière droite se souleva avec rancœur, je m’apprêtais à explorer mon nouveau monde.

Le paradis ? C’est vrai, que dans ma vie j’avais accompli pas mal de bonnes actions. Combien ? Une dizaine en étant optimiste.

L’enfer ? Aie, que de péchés j’avais commis ! Une centaine en arrondissant. Mais j’avais oublié le labo de Marina, la nymphomane, débauchée, perverse et  vicieuse. Alors je pouvais bien multiplier par cinq le nombre de mes mauvaises actions.

Que faire dans ma nouvelle vie ?

Attendre et attendre encore…

 

A suivre  

 

    

 

* Catalepsie : état caractérisé par la perte des mouvements volontaires et par la rigidité des muscles.

 

 

 

 

 


 
 
posté le 03-06-2021 à 09:05:16

Marina (54).

 

 

On peut toujours rêver !

 

Finalement je devais me rendre à l’évidence, je n’étais ni au paradis, ni en enfer, je me trouvais tout simplement sur Terre. Ici, aucune chance de rencontrer des anges ou des âmes   bienveillantes, mais plutôt des démons et autres créatures maléfiques.

La débauche de crèmes glacées ne m’avait point fait mourir, mais j’étais sûr, que dans mon corps, des animalcules microscopiques travaillaient à me détruire.

Pourtant, le miroir de ma salle de bains me renvoya une image digne de celle que l’on acquiert après la signature d’un pacte avec le diable. Je me voyais vieux, chauve, petit et gros, mais était-ce vraiment moi ou plutôt la représentation physique de mon âme après mes multiples duels érotiques avec Marina la nymphomane du labo de SVT.

Ma tête résonnait comme une darbouka (1) de Tunisie et de ce fait transpirait de déraison, celle qui pousse dans le cerveau après une nuit de libations peu conventionnelles.

Je constatais avec désespoir qu’il ne me restait plus de cachets d’aspirine et que j’allais être obligé d’aller en acheter. La pharmacie la plus proche devait se situer à quelques deux dixièmes de lieues (2). Pas très éloignée donc, mais allais-je m’y rendre à pieds ou en voiture ? Je risquais gros en voiture, je craignais un contrôle intempestif des représentants de « Mangeons moins de crèmes glacées nuisibles à la santé », une nouvelle directive indiquait qu’un taux de glycémie élevé était encore plus dangereux que celui de l’alcool.

Je devais parcourir la rue du Docteur Bonaventure sur quelques dizaines de mètres, arriver à un rond-point hyper stressant pour les piétons, puis traverser la rue sans me faire écraser pour aboutir à ma pharmacie habituelle dont les vitrines faisaient de la pub pour la lotion « Stop-fall » qui ralentissait la chute des cheveux.

- Mais tout le monde est malade ! pensais-je en apercevant au moins dix personnes à la mine cireuse et patibulaire qui attendaient leur tour.

Mon premier réflexe fut de fuir, de tout abandonner et de regagner mon logis pour attendre que la bulle du temps se dégonflât spontanément. On peut toujours rêver !

Je pris donc la décision de rester, d’autant plus qu’une jeune pharmacienne stagiaire allait et venait dans le rayon parapharmacie. Il faisait chaud et cette jeune femme portait un short en jeans vraiment serré à l’entrecuisse qui laissait apparaître le relief indécent de sa fente moulée dans le tissu ; c’est ce que les revues pornos appellent « Cameltoe (3) » (pied de chameau). (Allez savoir pourquoi).

J’oubliais les aspirines et ma probable séropositivité et je lui demandais  un flacon «Stop-fall». Elle regarda ma tête et moi son bas-ventre. Elle fronça les sourcils en me disant :

- Vous voulez bien enlever votre casquette s’il vous plait ?

Elle désirait certainement vérifier l’étendue des dégâts.

En voyant mon crâne plutôt dégarni, elle murmura :

- Je vous conseille de prendre plutôt cinq flacons ! Ils sont en promotion.

Je réglais cent cinquante euros à la caisse en fantasmant sur son «Cameltoe ».

De retour chez moi, je me demandais si cet achat était bien justifié, car pour cent cinquante euros j’aurais pu me payer une pute…

 

A suivre

 

Notes :

 

 

1- Darbouka : instrument de percussion faisant partie des membranophones. Selon ses variantes, c'est un tambour en gobelet répandu dans toute l'Afrique du Nord, et en calice dans le Moyen-Orient et les Balkans. Elle daterait de 1100 avant J.-C.

 

 

2- Lieue : (de latin leuca, emprunté au gaulois) est une unité de longueur anciennement utilisée en Europe et en Amérique latine.

La lieue a comme origine la distance que peut marcher un homme ou un cheval pendant une heure.

3- Cameltoe : terme argotique anglais utilisé pour désigner la forme, vue sous des vêtements moulants, des grandes lèvres d'une femme. Le cameltoe est le plus souvent le résultat du port de vêtements moulants tels que blue-jeans, shorts, micro-shorts ou maillots de bain.

 

 

 

 

 

 


 
 
posté le 03-06-2021 à 09:15:01

Marina (55).

 

 

Le temps qui passe assouplit l’angoisse.

La lotion capillaire n’avait aucun effet sur la chute de mes cheveux, ça je pouvais m’en douter, mais ce n’était pas le but du jeu, qui était tout simplement une parade de séduction destinée à la pharmacienne stagiaire.

Ce qui m’inquiétait surtout, c’est que je maigrissais régulièrement et cela me coupait l’appétit, provoquant invariablement une perte de poids. C’était le paradoxe du serpent qui se mordait la queue.

J’appris un beau matin que la police avait débarqué dans le labo de Marina et qu’elle avait saisi le squelette. Les experts déclarèrent, après des analyses ADN poussées,  que ce squelette n’était autre que celui de son époux prénommé Victor que l’on avait cru mort, brûlé dans son usine de portemanteaux Solido.

L’affaire comportait encore de nombreux points d’ombre. Le commissaire Lataule avait sa petite idée là-dessus.

1- Marina avait assassiné son mari.

2- Pendant quelque temps, elle fit agir de la soude caustique sur le cadavre placé dans sa baignoire pour désagréger les chairs et obtenir des os parfaitement propres.

3- Patiemment, elle transporta ces os, en pièces détachées, dans le labo de SVT du collège, où, grâce à ses connaissances en anatomie, elle avait reconstitué un squelette qu’elle avait prénommé Victor, comme feu son mari.

4- Par ce stratagème, elle avait fait croire que son époux était mort accidentellement dans l’incendie.

L’affaire avait fait grand bruit au collège, surtout quand les policiers vinrent arrêter Marina en plein cours des 3èmes B. Menottée, la tête baissée, elle sortit de sa classe sous les rires et les quolibets de ses élèves qui étaient contents de ne plus avoir SVT pendant un certain temps.

Quand mes idées devenaient plutôt grises, il m’arrivait de penser à Marina, presqu’avec tendresse. Ma quenelle était en berne depuis pas mal de temps. Elle avait juste redressé la tête, un bref instant, quand mes yeux se portèrent innocemment vers le bas-ventre de la jeune pharmacienne qui exposait sans vergogne un « cameltoe » impudique, qui aurait réussi, j’en suis certain, à rallumer la flamme du soldat inconnu.

Je retournai dans la pharmacie sous le prétexte fallacieux d’acheter des préservatifs. A quoi m’auraient-ils servi mon Dieu ? C’était juste pour la revoir, elle, la fille au short en jeans.

Elle me demanda le modèle, la taille et la marque que je désirais. Mon regard devint alors aussi fuyant que celui de Benoît, le benêt de 3èmeA, quand je l’interrogeais et qui avait zéro de moyenne (par générosité).

Je commençais à avoir honte car derrière moi la queue s’allongeait (pas la mienne, par contre…), alors la pharmacienne me tendit de la pub préservative en me disant :

- Quand vous aurez fait votre choix, appelez-moi, je me prénomme Sonata…

 

A suivre

 

 

 


 
 
posté le 04-06-2021 à 10:07:41

marina (56).

 

 

 

Quand la pharmacienne-stagiaire me dit ça,

je devins plus rouge que l’emballage.

 

Faire mon choix, mais comment?

Peu habitué aux préservatifs, je ne les avais pratiquement jamais utilisés dans ma vie. Les filles avec qui je couchais ne me les avaient jamais imposés, jugeant d’après ma tête, que mon sérieux ne cadrait pas avec des MST.

Un peu lassé par tout cet étalage de préservatifs, je décidais d’acheter n’importe quoi. La jeune pharmacienne stagiaire allait et venait dans le rayon parapharmacie. Sa blouse déboutonnée à cause de la chaleur, s’ouvrait davantage quand elle marchait, révélant de belles cuisses et un short étroit qui moulait bien son entrejambes. Elle était grande, au moins 1m78, mince et rousse et je souhaitais que son pubis ne fût point épilé. C’était un simple fantasme, jouer avec les poils de sa toison et y promener mon nez et mes lèvres. Je  levais discrètement ma main pour lui faire signe de venir.

Elle arriva sans se presser comme une chaloupe sur une mer d’huile. Ma petite sardine ne put s’empêcher de frétiller ; j’avais l’impression qu’elle faisait des bonds dans ma braguette.

Quand Sonata fut près de moi, une bulle aromatique m’enveloppa et je me demandai quel pouvait être son parfum. Mystère ! Mon nez de chimiste n’arrivait pas, peut-être sous le coup de l’émotion, à analyser les fragrances qui émanaient d’elle.

- Alors, vous avez fait votre choix ? me dit-elle avec un sourire lanceur-de-flammes.  

- Je voudrais une boîte de Durex ! lui répondis-je avec une voix chevrotante.

Elle soupira :

- Oui, mais quelle taille ?

Je me sentis rougir comme un collégien qui avait vu subrepticement la culotte de sa prof d’anglais.

Et moi, si je lui demandai la taille de ses seins ? Ils semblaient petits, mais certainement plus appétissants qu’un chou à la crème au chocolat.

Je bredouillais :

- Heu, heu…

Sonata eut un sourire inquiétant et, se tournant vers le comptoir qui se trouvait derrière elle. Elle cria à l’adresse de sa collègue :

- Josepha, tu peux m’apporter le double-décimètre, c’est pour prendre une mesure !

Soudainement je me sentis devenir aussi rouge qu’une coccinelle dépressive.

La jeune pharmacienne éclata de rire :

- Ca marche à tous les coups ! Mais je plaisante voyons !

Elle se moquait de moi, la chamelle !

Plusieurs personnes nous regardaient et je craignais que parmi tous ces clients il n’y eût des parents d’élèves.

Alors je me jetais à l’eau pour éviter le naufrage :

- Je voudrais une boîte de Durex Confort XL !

Son sourire se figea et instinctivement son regard se porta sur ma braguette où j’avais l’impression qu’un requin avait dévoré ma sardine.

Elle alla chercher la boîte et revint vers moi, un peu  gênée.

- Voilà, c’est la dernière ! Si vous en voulez d’autres, il faudra les commander !

- Oui, j’en fais une grosse consommation ! dis-je pour plaisanter.

- Alors donnez-moi le numéro de votre portable pour que je vous prévienne de leur arrivée, murmura-t-elle.

Ouf, l’affaire se présentait bien.

Avant de partir, je me penchais vers elle et je susurrais :

- Vous, vous devez faire du 85 A !

Mais j’avais bien remarqué qu’elle ne portait pas de soutien-gorge…

 

A suivre

 
 

 


 
 
posté le 04-06-2021 à 13:08:21

Marina (57).

 

 

 

                                                       L'avocate de marina.

 

Chez moi, je ne pus m’empêcher de penser à Sonata et comme un ado amoureux, je me mis à attendre son appel.

Attendre un coup de téléphone, fait grossir le temps qui passe, à coup sûr. Le cerveau semble subir la torture des mâchoires en acier d’un étau diabolique. Les heures se diluent et s’étalent à l’infini comme de l’huile sur l’eau tranquille d’un lac. La nuit, on se met à croire aux sorcières et aux sorts maléfiques qu’elles nous jettent. Allez donc comprendre ce qu’elles mijotent dans leur crâne !

Alors, au petit matin, pour ne point trop souffrir, on abandonne.

Un après-midi, quand le soleil brillait si fort que la sueur sur la peau nue des bras s’évaporait instantanément, le téléphone grésilla comme le chant désespéré des cigales devenues folles sur les branches des arbres assoiffés. J’étais dans un état de doute profond sur la nécessité de vivre ou de survivre et je lisais, avec une attention toute gluante, un essai de Cioran (1) intitulé « De l'inconvénient d'être né (2) ». Cioran, disparu à jamais maintenant et qui aurait voulu ne point naître. Ah comme je le comprenais, ce philosophe d’origine roumaine qui haïssait le genre humain.

Ma tentation à moi, c’était de ne pas décrocher, de rester seul dans ma bulle qui se recroquevillait sur elle-même.

Mais la sonnerie, têtue comme une mule, insistait. Alors, pour mettre fin à cette agression auditive, je décrochais avec la sensation qu’éprouve un alpiniste tombant dans un gouffre.

- Allo, dis-je comme un noyé qui réclame une bouée.

- Bonjour, c’est maître Amanda Di-Stretta, l’avocate de Marina X….

- C’est pour quoi, murmurais-je sans énergie.

- Ma cliente Marina X… désire absolument vous voir.

Je croyais en avoir fini avec cette affaire. Je voulais l’oublier, moi, Marina la suceuse du labo de SVT. Pourtant je savais bien, que dans sa chair, devaient bien se trouver quelques milliards de mes atomes, résultats de la déglutition de mon sperme et de sa digestion.

L’avocate avait quand même une jolie voix et à vue d’oreille, j’estimais son âge à 42 ans. Comme aurait pu dire le renard dans la fable (3), si son plumage ressemblait à son ramage, elle devait être jolie et sexy. Allons cessons de rêver, elle était peut-être aussi laide que Mlle Papona, la vieille fille, prof de lettres classiques, qui habitait dans mon immeuble. Sans photo, on ne peut rien dire !

L’avocate, pour me convaincre, me décrivit l’état psychologique épouvantable de Marina, incarcérée à la prison des Baumettes à Marseille.

Un bref instant, je me sentis redevenir presqu’humain et aussi tendre qu’un filet de bœuf charolais. Je ne pouvais oublier les sensations de mon concombre turgescent massé par sa langue jusqu’à ce qu’il projetât, dans sa bouche, une liqueur biologique chaude et gluante. Alors, mon bon-cœur naturel reprit le dessus et la nostalgie aidant, je répondis :

- Je suis d’accord Maître, expliquez-moi ce que je dois faire.

L’avocate me dit qu’elle me recontactera dans quelques jours.

Maître Amanda Di-Stretta était satisfaite et moi aussi, car j’allais voir la tête qu’elle avait.

Que voulez-vous, on ne se refait pas…

 

A suivre

 

Notes :

 

 

1- Cioran.

Emil Michel Cioran est né en 1911 à Rasinari, en Transylvanie.

Son premier livre paraît en 1934 et le titre révèle déjà le programme de toute une vie : Sur les cimes du désespoir. Il s’installe à Paris en 1947 et décide alors, pour se libérer de son passé, de ne plus écrire qu’en français, renonçant définitivement à sa langue maternelle.

A Paris Cioran mène une vie studieuse, solitaire et nocturne.

Son œuvre, essentiellement composée de recueils d’aphorismes, marquée par l’ascétisme et l’humour, connaît un succès grandissant : «J’ai connu toutes les formes de déchéance, y compris le succès. »

Toute son œuvre tend vers la recherche, lucide et désespérée, du sens de la vie et de ce qui caractérise l’humanité. Son essai préféré demeurera De l’inconvénient d’être né.

Son dernier livre, Aveux et anathèmes, est publié en 1987. Au début des années 1990 il en a assez « d’insulter Dieu et son monde » et ne sent plus le besoin d’écrire, ce qu’il accepte comme une récompense de son travail. Il meurt à Paris le 21 juin 1995 à l’âge de 84 ans.

 

2- De l’inconvénient d’être né.

 « Aucune volupté ne surpasse celle qu'on éprouve à l'idée qu'on aurait pu se maintenir dans un état de pure possibilité. Liberté, bonheur, espace - ces termes définissent la condition antérieure à la malchance de naître. La mort est un fléau quelconque ; le vrai fléau n'est pas devant nous mais derrière. Nous avons tout perdu en naissant. Mieux encore que dans le malaise et l'accablement, c'est dans des instants d'une insoutenable plénitude que nous comprenons la catastrophe de la naissance… »

 

3- Le corbeau et le renard.

 

 

 


 
 
posté le 04-06-2021 à 13:15:33

Marina (58).

 

 

 

 

Ciel, j'ai encore maigri ! 

 

 

Les nuits, ce sont des loups,

                                     Qui rôdent autour du lit.

                                     On n’ose plus bouger,

                                     On transpire, on a peur…

 

                          

- Encore maigri ! Et zut ! dis-je en poussant sous mon lit la balance électronique qui en trembla jusque dans ses circuits intimes.

Il faisait chaud malgré l’heure matinale et mon lit ressemblait de plus en plus à un radeau disloqué dont la voile, en boule, ne jouait plus son rôle.

Quelle nuit !

Une nuit longue comme un lombric radioactif et mutant, un voyage dans le temps, dans un sauna encore plus chaud que l’enfer. J’imaginais l’image de mon corps et de ma tête dans une exposition de monstres  d’un cirque mongolien au bord de la faillite.

Je portais un pyjama court, rayé bleu et blanc, froissé comme le visage angoissé d’un centenaire. Le tissu, un coton qui provenait d’on ne sait où, je crois bien du Bangladesh, collait à ma peau largement humectée des sueurs de l’été. Il fut un temps où j’avais envisagé de faire installer la climatisation dans mon appartement. Une idée qui s’était perdue dans les limbes de ma paresse.

Je me dirigeais vers le bar, ma cuisine en fait, pour essayer de me préparer un café fort comme un haltérophile casaque bien chargé en testostérones. Heureusement, le paquet d’arabica n’était point vide et dégagea, quand je l’ouvris, des arômes attendrissants.  Je trouvais sieur Malongo bien sympathique. Je remplis une casserole en acier inoxydable, avec de l’eau et plaçais le tout sur ma plaque à induction thermostat 12. L’ébullition ne se pressa pas et j’eus tout le temps de contempler les parois métalliques recouvertes de calcaire blanc accumulé au fil des matins peu glorieux. Quand le café fut prêt, je me forçais à manger quelques biscuits Belvita au miel et aux pépites en chocolat. Juste pour tenir le coup.

Vers sept heures du matin, après la toilette, j’étais d’attaque pour effectuer un travail harassant : vivre !

C’est à ce moment-là que dans mon cerveau, commencèrent à se coaguler des images de Marina dans un désordre chronologique. Elle était incarcérée aux Baumettes, la pauvre, dans la prison de femmes de Marseille, pour l’assassinat de Victor, son mari.

A dix heures, le téléphone se manifesta et me tira d’un engourdissement neuronal inquiétant. C’était maître Amanda Di-Stretta, l’avocate de Marina qui me communiqua les informations nécessaires que je devais connaître pour aller rendre visite à ma pauvre collègue emprisonnée.

La prison des Baumettes était située au 239 chemin de Morgiou.

Quand maître Amanda Di-Stretta raccrocha, un sentiment de panique envahit mon cerveau.

Aller à Marseille en voiture me semblait une mission impossible et trouver le chemin de Morgiou, une incongruité angoissante.

Comment faire ?

Peu à peu, naquirent en moi des idées d’abandon et d’oubli et je me demandai si Marina avait vraiment envie de me voir.

A 11h je pris la décision irrévocable de ne pas bouger et de rester chez moi.

Vers 11h15, le souvenir de la voix de maître Amanda Di-Stretta provoqua en moi une érection incompréhensible.

Un quart d’heure plus tard, je décidais, dans un souci d’humanité, d’aller rendre visite à Marina, ma collègue de SVT agrégée de nymphomanie chronique…

 

A suivre

 

 

 
 


 
 
posté le 05-06-2021 à 09:47:16

Marina (59).

 

 

 

 

 

 

 La prison des Baumettes à Marseille.

 

J’avais donc décidé d’aller voir Marina aux Baumettes, juste pour lui remonter le moral et me laisser bercer par la nostalgie de nos bons moments passés ensemble.

Et ce jour tant redouté arriva sans que je m’en rende bien compte. En vérité Marseille me faisait un peu peur et les médias en rajoutaient une couche quant à la dangerosité de cette ville. Pourtant j’y avais fait mes études à la faculté des sciences Saint-Charles sans problèmes, mais c’était il y a longtemps.

Comment dénicher le chemin de Morgiou où se trouvait la prison ? Heureusement que le GPS existait.

Je me rasais de près ce matin-là, me parfumais légèrement avec « Habit rouge » de Guerlain, juste pour faire craquer les taulardes que j’allais côtoyer dans le parloir.

Et un peu craintif je me lançais à l’aventure.

Arrivé à Marseille, je devais trouver le boulevard Michelet, puis prendre à droite le boulevard de la Concorde   et enfin tourner à gauche  pour aboutir au chemin de Morgiou. La prison était située au numéro 239.

Je ne sais pas si je me faisais du cinéma, mais ce chemin avait une mine patibulaire et les rares passants que je croisais, avaient le physique de bandits de grand chemin. Dans ces conditions, je me dis qu’il était prudent de garer mon « Alfa Roméo », loin, mais vraiment très loin de la prison. Je fis le reste du parcours à pieds en serrant fortement ma petite sacoche contre moi

Arrivé à cinquante mètres de la prison, je vis une femme qui faisait les cents pas devant le portail.

- Mais on trouve des putes partout, me dis-je en réfléchissant bien à l’attitude que je devais adopter dans le cas d’une offre de service tarifiée.

Quand la fille me vit, elle s’avança vers moi en remuant des hanches.

- Je suis fichu ! pensais-je. Je vais devoir repousser ses avances.

Lorsque mes myopie-presbytie-astigmatisme me permirent de distinguer son visage, je me dis qu’elle devait avoir la quarantaine, cette pute. Elle était jolie et souriante et déjà je commençais à oublier, les raisons de ma présence ici.

Quand elle fut à portée de parfum, mon nez exercé put capter les molécules odorantes. Alors elle me tendit la main et se présenta :

- Bonjour, je suis maître Amanda Di-Sretta et vous c’est Virgile n’est-ce pas ?

Zut j’avais pris l’avocate pour une pute !

J’étais plutôt gêné comme si elle pouvait lire dans mes pensées. Elle avait la même voix qu’au téléphone et en plus je pouvais contempler ses lèvres charnues que j’imaginais agir comme un aspirateur.

C’est alors que j’eus une double érection que ma braguette eut toutes les peines du monde à contenir.

Amanda me regardait avec un sourire moqueur qui me déstabilisait plus qu’une kalachnikov (1) pointée dans mon dos.

Elle se pencha vers moi, dans un contact presque épidermique, ce qui me fit glisser inexorablement sur une planche savonneuse. Elle murmura, avec une tête de comploteuse :

- Marina a insisté pour je vienne vous chercher à l’entrée et vous conduire au parloir. Il paraît que vous n’êtes pas très débrouillard…

Pas très débrouillard moi ? Et si ce n’était qu’une feinte attitude pour séduire les femmes, pour leur donner de l’importance et leur permettre d’exercer ce qui les fait le plus vibrer   : leur instinct maternel.

Elle me saisit par l’avant-bras et me guida, comme si j’étais un petit enfant, vers le parloir, parmi les allées et venues des familles apparemment pauvres et perdues, porteuses de sacs en plastique qui contenaient certainement des friandises pour les malheureuses détenues.

Et moi, pendant tout le trajet vers le parloir, mais dois-je le confesser, la main de l’avocate, qui me serrait l’avant-bras, me procurait des sensations inavouables…

 

A suivre

 

Notes :

 

  1- Kalachnikov : fusil d'assaut soviétique muni d'un chargeur à trente cartouches, qui permet de mitrailler.

 

 

  

 

 


 
 
posté le 05-06-2021 à 10:00:58

Marina (60).

 

 

Marina dans sa cellule aux Baumettes...

 

Maître Amanda Di-Stretta s’éclipsa lorsque je fus en face de Marina.

Ce parloir ressemblait à un aquarium coloré et agité par une houle sonore. J’étais vraiment gêné de me trouver près de cette femme avec laquelle j’avais eu des relations un peu compliquées.

Que dire à part des banalités ? Le sourire triste de Marina fit accourir dans ma tête ce sentiment d’empathie (1) qui empoisonnait régulièrement ma vie et il suffisait que je fermasse un instant les yeux pour me projeter dans le corps de mon ex-collègue, pour prendre sa place en prison et ressentir toute sa détresse.

Marina reprit des couleurs d’innocence quand elle affirma haut et fort qu’elle n’avait pas assassiné son mari. Je la laissais parler et je me gardais bien de lui révéler que j’étais l’instigateur du test ADN qui avait été effectué sur Victor, le squelette de son labo.

Moi, à quatre-vingt-dix-neuf pour cent, j’étais convaincu de sa culpabilité et pour alimenter notre discussion, je lui demandais comment elle justifiait la présence du squelette de son époux sur son lieu de travail. Marina contestait, malgré les tests ADN effectués, que ce tas d’os fût celui de Victor.  Elle me dit même, avec force :

- C’est mon mari, qui m’a offert ce squelette pour mon anniversaire !

Là, je crus même qu’elle voguait sur la mer des délires.

Elle ajouta :

- Les squelettes réels sont hors de prix et les SVT n’avaient pas assez de crédits pour effectuer cet achat. Un matin, en entrant dans mon labo, je vis un grand paquet cadeau enveloppé dans du papier métallisé rouge que j’ouvris bien vite : il contenait Victor, le squelette.

Je regardais Marina dans les yeux entourés de cernes qui la vieillissait beaucoup et je m’aperçus que ses pupilles étaient un peu dilatées comme celles de certains élèves qui entraient en classe après un arrêt prolongé dans les toilettes. De toute évidence, elle avait fumé une substance destructrice de neurones.

Devant ma mine aussi dubitative que celle d’un moine défroqué, Marina continua :

- Avec l’aide du concierge du collège, à qui il avait offert une bouteille de whisky, mon époux, la veille, vers minuit, pour me faire une surprise, avait déposé le squelette dans mon labo.

Elle voulut continuer, mais une matonne survint pour annoncer la fin de la visite.

En quittant Marina, j’avais l’impression d’abandonner un fétu de paille dans un brasero argentin et je me dis qu’il fallait que je fisse quelque chose pour elle.

A la sortie du parloir, maître Amanda Di-Stretta m’attendait. Elle m’aida à regagner le chemin de Morgiou, car on lui avait dit que je n’avais aucun sens de l’orientation. La pauvre Marina veillait sur moi à distance.

Je voulais vite quitter Marseille et sa célèbre prison des Baumettes et, après avoir remercié l’avocate, je commençais à me diriger vers ma voiture située à quelques centaines de mètres. J’invoquais Saint-Christophe (2), car je craignais de ne plus retrouver mon véhicule, volé certainement, ou du moins de découvrir ses quatre pneus crevés.

Amanda, me retint en serrant mon avant-bras, ce qui commençait à devenir une habitude chez elle. Elle s’approcha de moi plus que nécessaire, comme pour me phagocyter (3) dans une vacuole de volupté parfumée. Mon érection renaquit de plus belle !

- Mais vous êtes si pressé de partir ? me dit-elle.

- Oui, ce lieu ressemble à un enfer !

Son haleine dégageait un arôme de dentifrice à la badiane. J’étais presque fichu, éperdu, comme écrasé par un rouleau compresseur sur les routes glacées de Sibérie Orientale.

- Vous ne trouvez pas que dans cette prison de femmes, il y règne une tension sexuelle insoutenable ? Il se dégage de chaque détenue frustrée des halos de désirs insatisfaits. Moi, chaque fois, ça me rend toute chose et vous ?

J’étais dans le viseur de sa kalachnikov et elle me mettait en joue, prête à m’abattre pour satisfaire ses pulsions sexuelles. Mon cerveau immigra dans mon sexe aussi dur et dressé qu’un sabre napoléonien.

Elle se colla presqu’à mon corps et me murmura :

- Venez donc avec moi, je vais vous apprendre comment passer de l’enfer au paradis…

 

A suivre

 

Notes :

 

1- Empathie : faculté intuitive de se mettre à la place d'autrui et de comprendre ses sentiments et ses émotions

 

2- Le prénom « Christophe » vient du grec « Christophoros », signifiant « celui qui porte le Christ ».

La légende raconte qu'un géant, alors appelé « Réprouvé' », aida le Christ à traverser une rivière.

Réprouvé fut donc « rebaptisé » Christophe, celui qui porta Jésus.

Ainsi, Saint Christophe devint le patron des voyageurs, pour les protéger dans leurs expéditions, et aujourd'hui Saint Christophe est le patron des voyageurs modernes : les automobilistes !

 

3- Phagocyter : détruire par un processus d'absorption et de digestion (des particules ou des micro-organismes étrangers).

 

  

 


 
 
 

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