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Titre du blog : Marina
Auteur : Marina-83
Date de création : 15-03-2021
 
posté le 27-05-2021 à 09:14:48

Marina (38).

 

 

 

 

Le trompettiste de mes nuits d'insomnie...

 

Serena se faisait oublier : depuis quelques jours, je n’avais plus de nouvelles d’elle. Je m’étais promis de ne pas la rappeler, juste pour lui montrer que je n’étais pas quelqu’un de collant comme cette résine qui s’échappe des conifères. Je pensais qu’elle avait des problèmes et je regrettais presque l’époque des coups de téléphone de la société Solido. Je gardais dans un recoin de ma mémoire, le souvenir de cette première nuit passée avec elle, nuit de volupté intense, la première nuit, celle qui est la plus belle.

Je me rattrapais avec Marina, qui, à l’approche du printemps, avait une formidable éruption d’hormones. Elle me sollicitait tous les jours  pour des bacchanales* plutôt malvenues dans son labo. Elle commençait par me servir, dans un bécher, du Cognac pour me donner des forces, prétendait-elle, un bécher que je soupçonnais avoir contenu au mieux des cœurs de grenouilles et au pire des limaces gluantes. L’alcool est idéal pour supprimer les barrières de la morale, mais absolument catastrophique pour la pratique du sexe. Imaginez un perchiste voulant sauter avec une perche molle…

Je retournai dans la librairie près du collège où il me sembla que le libraire avait rajeuni. Cette fois-ci, il me laissa tranquille et je pus flâner comme un papillon curieux dans les allées poussiéreuses de la librairie. Aucun livre n’attira vraiment mon attention et j’étais un peu gêné de quitter ce lieu sans n’en avoir acheté aucun.

Le vieux libraire me tendit un sac en plastique lorsque je passai devant sa caisse. Il m’apostropha :

« Je vous ai choisi deux livres. Lisez-les et vous viendrez les régler que s’ils vous plaisent. »

Un peu surpris par son attitude assez originale, je quittai la boutique en ayant encore la sensation que le temps s’était arrêté  dans ce lieu si étrange.

Chez moi, après le diner, je m’affalai dans mon divan en espérant écouter un disque de jazz. Surtout, aucune lumière polluante dans mon salon, il me fallait cela pour apprécier la musique. Tous mes sens devaient se concentrer dans mes oreilles en attendant le temps où la musique pourrait se voir…

J’aimais passer la nuit ainsi, naviguer sur un océan de sensations sonores, me laisser bercer par des vagues invisibles aux fréquences si harmonieuses. Le temps semblait alors mener sa propre vie, comme un alcoolique sans logique baignant dans la déraison. C’est dire que le temps devenait schizophrène en malaxant les souvenirs au gré des notes d’une contrebasse ou des cris angoissés d’une trompette, hurlant comme un loup perdu dans la ville…

Fatalement, vers trois heures du matin, il arrivait que je m’endormisse, vaincu par les roulements trop saccadés d’une batterie devenue folle.

Vers six heures, en éclairant mon salon, je vis, sur ma petite table rectangulaire en verre, le sac en plastique que le libraire m’avait donné la veille. Il contenait deux livres intitulés :

- Marina de Carlos Ruiz Zafon,

-  Serena de Ron Rash.

Quelle aurait été la probabilité pour que ces deux titres ne fussent que le fruit du hasard ? Pratiquement nulle !

Alors, qui était donc ce libraire qui ne vieillissait pas et qui connaissait le prénom des deux femmes qui perturbaient ma vie ?

 

A suivre

 

Note :

 

* Bacchanale : sorte de fête tapageuse et débauchée.